Khalifa Ababacar Sall, président de Taxawu Sénégal : «Je serai candidat en 2024»
Khalifa Ababacar Sall sort de sa réserve. Invité de l’émission Grand Format publiée dans les colonnes de Sud Quotidien et diffusée sur Sud FM, le président de la coalition Taxawu Sénégal engage la conquête du pouvoir pour la présidentielle de février 2024 où il se voit vainqueur devant n’importe quel adversaire. Très en verve, l’ancien maire de Dakar ouvre à nouveau la caisse d’avance, décline sa feuille de route et fait feu sur le Macky.
Khalifa Ababacar Sall, président de la Conférence des leaders de Yewwi Askan Wi mais aussi, président de la coalition Taxawu Sénégal. Lequel des Khalifa s’adresse aujourd’hui aux Sénégalais ?
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Très bonne question. Les deux (2). Taxawu est une histoire, une pensée, une idée, un projet, une ambition politique. Ce fut pour Dakar d’abord, c’est pour le Sénégal ensuite et pour l’Afrique et le monde, parce que le Sénégal dans le monde et en Afrique est aussi important, sa place, sa posture. Quel est le rôle de ce pays que nous avons en partage, qui nous est très cher et pour lequel nous sommes prêts à donner notre vie ? Donc, Taxawu Dakar d’abord, Taxawu Sénégal ensuite. Taxawu Sénégal est un projet. C’est une plateforme qui réunit des partis politiques, des mouvements politiques, des mouvements de soutien, des identités remarquables et qui continuent aujourd’hui à affluer. Je ne puis vous dire combien de personnalités depuis 6 mois, 8 mois nous font confiance et qui viennent nous rejoindre. Nous en sommes heureux. Ils considèrent que Taxawu est une ambition pour le Sénégal, une ambition désintéressée. Une ambition pour laquelle beaucoup de gens ont payé le prix fort. Aujourd’hui, c’est un autre parti qui est la cible du pouvoir (Pastef/Les Patriotes, Ndlr) mais nous avons été les premières cibles de ce pouvoir. Tous nos jeunes ont fait la prison, nos femmes ont fait les commissariats de police. Nous avons payé le prix fort pour exister, pour être une réalité dans le contexte politique sénégalais. Donc Taxawu aujourd’hui se développe parce qu’on est porteurs du futur ou d’un futur pour le Sénégal. Nous ne sommes pas des politiciens. Nous sommes des militants. Nous avons des convictions chevillées pour notre pays, pour son devenir au service de ces populations. C’est toute la différence dans la démarche que les gens ne font pas entre nous et les autres. Nous sommes des militants. C’est-à-dire que nous sommes investis dans un combat pour la vie. Quelle que soit l’issue de ce combat, nous le mènerons pour le gagner Inchallah.
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Quel est votre point de vue par rapport à la sortie du Chef de l’Etat demandant que toutes les dispositions puissent être prises suite à la publication du rapport de la Cour des comptes ?
Il a demandé au Premier ministre d’éclairer l’opinion. Il a donné des instructions au Premier ministre pour que ce dernier puisse éclairer l’opinion sur les conclusions. Et c’est ça qui est gênant parce que le vrai problème dans un rapport de cette nature, que ce soit le rapport de la Cour des comptes comme celui de l’IGE ou de l’OFNAC, un certain nombre de chaines au niveau de l’Etat peuvent donner suite indépendamment des uns des autres. Ce n’est pas le président de la Cour des comptes qui peut saisir la justice tout seul. Non pas du tout. Le Président de la République peut le faire. Le Premier ministre peut le faire. Le président de l’Assemblée nationale peut le faire. Toutes ces autorités ont la capacité de par leurs postures, positions, mandats et missions de donner suite à ces conclusions. A-t-il besoin d’instruire le Premier ministre ? Non pas du tout. Mais la seule chose que vous oubliez, c’est qu’il a mis le coude sur des dossiers. Depuis 2012, vous n’avez que des annonces, des déclarations d’intention, le Président nous a beaucoup habitués à faire des annonces sans suites. Donc, comme Saint Thomas, j’attends de voir.
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Mais pourquoi souvent quand on dit dans les rapports que les gens sont épinglés, de facto, on en déduit qu’ils sont coupables ?
Nous, ce n’est pas ce que nous avons dit à Yewwi. D’abord, nous ne sommes pas bien placés pour les juger. Pas du tout. Nous n’en avons ni les capacités ni les moyens. Ensuite moralement, nous ne devrions pas. Mais ce qui est important, c’est quand une structure de l’Etat fait une mission et qu’elle est terminée, il y a toujours des conclusions. Soit c’est l’IGE, on vous envoie à la Cour des comptes, soit on demande une information judiciaire. D’abord, il faut voir quelle est la suite que la Cour des comptes a réservée à chaque dossier. Est-ce que la Cour a demandé l’ouverture d’une information judiciaire ?
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Oui pour dix personnes pour l’essentiel qui sont des DAGE ?
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C’est ça qui me gêne. J’ai été ministre. Qui est l’ordonnateur ? Moi, on m’a mis en prison parce que je suis ordonnateur. J’ai été inculpé comme complice. L’ordonnateur ne peut pas être indemne. Je me serais mal vu que mes agents fussent à la prison et que je sois dehors. Jamais, je ne l’aurais accepté. Le ministre ordonne. Vous avez l’ordonnancement et vous avez l’exécution et ce sont des niveaux de responsabilité. A quel niveau, il y a eu problème ? C’est ça qu’il faut situer. C’est-à-dire que nous devons tous aller lire dans les détails les rapports. Moi, je refuse de mettre des jugements si je n’ai pas tous les tenants et aboutissants d’un problème. C’est pourquoi aujourd’hui, je considère que l’ordonnateur ne peut pas être indemne. L’agent de mise en œuvre ne peut pas être indemne. Non ! Maintenant, quand les enquêteurs s’y mettront, ils apprécieront à quel niveau, il y a eu déviance, faute, malversations etc.
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De plus en plus aussi, des autorités émettent des doutes sur la sincérité des rapports des corps de contrôle. Comment expliquez-vous cet état de fait ?
C’est un moyen de défense parce que ces rapports sont contradictoires. Dès le premier draft, on vous le soumet et vous donnez votre avis et ils réécrivent. Ils vous donnent jusqu’à la mouture finale, vous êtes informés, consultés et vous avez des avis à donner.
C’était votre cas avec le rapport de l’IGE ?
Je reconnais. Je dis que c’est contradictoire. Nous, la seule chose qui nous a gênés, c’est qu’on a fait le rapport définitif, on a signé, on est parti et quand j’ai voyagé, on a convoqué nos gens pour prendre le budget. Quand on prenait la caisse d’avance, je n’étais pas là. La caisse d’avance, c’est une caisse politique. C’est pourquoi j’avais demandé au Président de la République de déclassifier le rapport. J’ai le rapport de l’IGE. Si j’étais comme ces messieurs, je l’aurais mis à la disposition du public. Je ne peux moi prétendre gérer, diriger l’Etat, un jour et le violer. Je refuse. Le rapport de l’IGE, il est estampillé secret. Ce n’est pas parce qu’il s’agit de ma liberté ou de mon honorabilité que je nie.
Mais c’est ce rapport qui vous rend inéligible ?
Oui mais j’assume. Il n’y a pas de problème. C’est l’idée que je me fais de l’Etat. Quand je m’engageais en politique, ce n’est pas pour être élu. C’était adhérer à une ambition, une cause, me battre pour mon pays. J’aurais pu être charretier, gardien, ministre, président, ce n’était pas mon problème. Je croyais en une idée, à un projet de société, j’ai adhéré. Là, je veux être président de la République, ce n’est pas parce que ma liberté était en jeu que je dois violer les textes de la République. Le devoir de recevabilité, il sera toujours possible de le faire parce que, je ne sais pas qui sera le prochain président mais on lui demandera de déclassifier le rapport. Pourquoi dois-je avoir peur de la prison et je viole les textes auxquels je crois ? Pour rien au monde, je le ferai. Tous mes amis m’avaient demandé de publier le rapport, j’ai refusé. J’ai préféré aller en prison plutôt que de violer les textes de l’Etat.
Vous ne vous voyez donc pas comme le futur Président du Sénégal en février 2024 ?
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Inch Allah, je serai candidat et je battrais n’importe lequel des candidats. Donc, je serai président de la République.
Vous annoncez votre candidature alors qu’il y a toujours cette épée de Damoclès sur votre tête ? Il faut une loi d’amnistie pour vous rendre éligible. Comment allez-vous faire pour valider votre candidature ?
Mais parce que c’est de la politique. Nous sommes en train de nous donner les moyens de le régler. Je ne le dis pas ici. Vous oubliez que quand on me mettait en prison, j’étais responsable socialiste, j’étais membre de Benno Bokk Yaakaar, j’étais dans le pouvoir, je n’ai pas négocié. Aujourd’hui, je suis hors du pouvoir, le Ps m’a renvoyé. Je suis dans l’opposition. J’ai été écarté politiquement, je me battrais politiquement et vous savez que le contexte actuel est favorable à ce que je dis mais je ne vais rien déflorer. Ça vaut dire que de la même manière que j’ai été mis dans cette situation, nous nous battrons pour qu’une autre situation soit créée. Mais ce que je peux vous garantir, c’est que je serai candidat.
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Que pensez –vous de l’affaire des passeports diplomatiques et/ou de services et celle des 45 milliards du département de l’Environnement qui viennent s’ajouter à la polémique ?
Ce qui se passe aujourd’hui, nous (PS), on ne l’aurait jamais imaginé dans un Etat qui se respecte que des ministres qui ne sont même pas habilités à s’occuper d’armements. Ce pays, sa force a été qu’on avait un Etat. Un Etat signifie que dans ce que nous avons en partage, chacun sait ce qu’il a à faire. Chacun a sa place et selon les compétences qu’il a à exercer, selon les règles qui sont affirmées et connues, selon des modalités et des processus avérés, reconnus et acceptés. C’est tout ça qui n’existe plus. En matière de sécurité et de sûreté, il y a des organismes habiletés. Ce n’est pas n’importe qui, qui achète ou garde des armes dans un Etat qui se respecte. Chaque arme qui entre dans ce pays, doit avoir une traçabilité, de la commande jusqu’à son entrée, au dépôt jusqu’à l’utilisation. Dans un Etat normal, quand un AK-47 ou un M16 est utilisé, il y a des structures de l’Etat qui peuvent vous dire ça vient d’où, comment c’est entré. Ce n’est plus le cas. Les braconniers utilisent des armes. Les forces de la protection de la nature sont militarisées. Elles sont habilitées mais quand elles doivent se doter d’armes de certains calibres, il y a des processus. Les seuls habilités à avoir la force armée, ce sont les forces armées. Le jour où chacun pourra avoir son 4K-47 ou son M16, disons au revoir à notre pays.
Pour les passeports de service ou diplomatique, c’est la même chose. Macky Sall a cette particularité. Tout le monde est sous contrôle judiciaire ou tout le monde est gracié. Voilà quelqu’un, je ne connais pas ses rapports avec la prison, qui pense qu’il faut y mettre les gens. Aujourd’hui, tout le monde va en prison sauf les militants et responsables de Benno Bokk Yaakaar.
Vous êtes devenu plus radical. Alors que vous aviez mis la pédale douce lors de votre premier face à face avec la presse à votre sortie de prison. Qu’est-ce qui a changé entre temps ?
Je ne suis pas radical. Je n’ai pas changé. Je n’ai pas mis de pédale douce, ni rien. La seule chose que j’ai refusée quand je suis sorti de prison, c’est qu’on me traita de rancunier. Non, ça ce n’est pas moi. J’ai vécu ma prison avec dignité. Ça n’a nullement ébranlé ma détermination de militant et de responsable. Ça n’a nullement entaché mon ambition à servir le pays au plus haut niveau. Je l’ai fait autrement et selon les contextes et j’ai prouvé que depuis un an et demi que plus on avance dans le combat, le ton est plus affirmé. Il fallait mettre en place avec Yewwi un groupe et quand on est dans un groupe, on le laisse exister.
Qu’est-ce qui vous oppose encore au PS ?
Le PS, c’est un refus de Senghor de l’asservissement. C’est une volonté de Senghor de s’affirmer en tant que militant, en tant que porteur de projet. Je fais partie des premiers soutiens de Macky. Quand beaucoup de gens ne voulaient pas le soutenir, je l’ai soutenu. Le problème du PS date de 2012. Il y a eu un débat. On allait aux législatives. Je fais partie de ceux qui sont les pères fondateurs de BBY parce que je représentais le PS. Aux premières discussions, je peux citer les noms de ceux qui étaient autour de la table. Mais je suis au PS, j’ai dit : nous, on est un parti politique. On a élu un président de la République que nous soutenons mais pour les législatives, on est dans une coalition qui est une conjonction de forces. Le PS n’a qu’à aller chercher sa liste ensuite on dit à Macky, on t’apporte ça. J’avais été mis en minorité. Le PS ne m’a pas suivi. J’avais dit aux gens, on file du mauvais coton. Je dis toujours qu’une grande force politique qui sert d’appoint à une petite force politique qui se développe, cette force politique petite s’agrandira au détriment des grands partis. Aujourd’hui, que sont devenus le PS, l’AFP et les autres forces de Gauche ? C’est naturel et normal. Ce qu’a fait Macky Sall est humain. J’ai failli être malade quand j’ai vu que le PS n’avait que 4 ou 5 députés. Ousmane Tanor doit se retourner dans sa tombe.
Dans le référendum de 2016, on était tous avec Macky Sall. Il avait dit je vais réduire mon mandat de 7 à 5 ans et je l’ai annoncé. Je fais partie de ceux qui lui étaient très proches, j’ai dit : «il ne faut jamais faire de promesses qu’on ne puisse tenir». Quand on est allés au référendum, j’ai dit au PS que moi, je ne peux pas voter ce texte parce que le Président avait dit qu’il va réduire son mandat. S’il le fait, nous tous, on l’accompagne. Il ne l’a pas fait. C’est le premier problème qu’on a eu dans le PS. Vous vous souvenez en 2016, nous avons appelé à voter non. Ensuite, s’en sont suivies toutes les autres péripéties dans le parti socialiste et dans la coalition jusqu’à qu’on a en été exclus. C’est un problème de cohérence, de choix politique.
Pourquoi, vous n’avez pas voulu dire à l’époque dire que vous nourrissez l’ambition d’être le président de la République ?
Je ne veux pas déflorer les secrets. Je suis un homme d’Etat. Ce que je me suis dit avec une personne, je ne le raconte pas. Mais dans le PS, il n’y a jamais eu de débat pour soutenir Macky Sall en 2019. Jamais ! Moi, je suis un militant mais j’étais le secrétaire politique du PS. Donc, quand des problèmes de fond se posaient, j’allais m’informer. J’allais donner mon point de vue et j’avais des garanties et je m’en tenais à ça. C’est tout. Deuxièmement, mon interlocuteur n’est plus là. Je ne parlais qu’avec Ousmane Tanor Dieng. Je n’ai jamais pris de décision dont je n’ai pas parlé avec Ousmane Tanor Dieng. Que Dieu l’accueille dans son Paradis ! Il n’est plus là. Je n’en parlerais jamais. C’est ça ma philosophie de vie. Peut-être que j’ai tort mais je suis comme ça. C’est mon grand frère. J’ai beaucoup d’affection pour lui malgré les divergences politiques.
Khalifa Sall et le PS, c’est terminé ?
Non je suis socialiste. Pourquoi, vous trouvez ça fini. Taxawu n’est pas une partie mais une plateforme. Ce que j’ai dit est clair. Je suis militant socialiste. On m’a exclu du parti de manière irrégulière. Quand nous a exclus, Aissata Tall Sall, Barthélémy Dias, moi-même avons fait un recours auprès du tribunal. Le juge a considéré recevable notre requête. On y a mis le coude dessus. Jusqu’à présent, ce n’est pas vidé.
Ah bon ? Qui y a mis le coude ?
C’est ça la vérité. C’est Macky qui a aidé le Ps et la justice à mettre le coude. Nous, on a fait notre recours avec Aissata et Barthélémy. Le juge a dit que c’était recevable. Depuis lors, on a qu’à lever le coude, qu’on le revoit. Est-ce que la procédure de décision concernant notre exclusion est valide ou non ? Ce PS, je le connais. Ces textes, je les connais.
Vous serez donc capable de retourner à la maison mère ?
Moi, je suis socialiste. Je ne serais rien d’autre que socialiste.
Les candidats des partis membres de la coalition Yewwi se sont-ils engagés à soutenir le mieux placé en cas de second tour ? Mieux en cas de victoire, ce dernier s’est-il engagé à appliquer la charte issue des Assises nationales ?
C’est ce qu’on a en commun à Yewwi. Nous avons signé la charte des Assises nous tous et revoyez tous les textes fondateurs de Yewwi se réfèrent aux Assisses. Bien sûr qu’il faudra les réactualiser mais les textes fondateurs sont là. Le socle, le tronc commun au niveau de Yewwi, c’est la conclusion des Assises. Il n’y a aucun doute là-dessus. Et la pluralité, nous l’avons acté parce que nous pensions que chacun a le droit d’avoir une ambition. On ne va pas se séparer. Nous, on sait d’où on va, comment on va. C’est pourquoi on y va dans Yewwi.
Les faits aussi, c’est qu’au moment où nous parlons, vous n’êtes ni électeur, ni éligible ?
D’abord, on n’est pas inéligible. L’inéligibilité est une peine. On parle de droit. Cette inéligibilité n’est prononcée par aucun juge.
Ce n’est pas le juge. Mais c’est le Code électoral qui dispose qu’un sénégalais qui est condamné à plus 6 mois de prison ferme, ne peut s’inscrire sur les listes électorales ?
C’est le Président Macky Sall en 2018 qui avait introduit un petit mot. Il a dit tout sénégalais condamné et ce n’était pas nous, c’était pour Karim Wade. Il se battait à l’époque contre Karim Wade pour qu’il ne soit pas inscrit. Ce n’était pas mon cas. En 2019, j’étais inscrit sur les listes. J’avais rempli toutes les conditions. Il a fallu des magistrats véreux pour dire que le rabat d’arrêt n’était pas suspensif. C’est le seul motif qui a été trouvé alors que la loi organique disait que le rabat d’arrêt comme les délais sont suspensifs.
En fin de compte, vous vous retrouvez dans la même situation que Karim Wade.
L’inéligibilité est une peine et elle doit être prononcée. C’est une des dispositions qu’on va introduire pour modifier le code électoral pour sécuriser pas seulement Khalifa Sall et Karim Wade mais tout autre homme politique. Il faut que l’on revienne à l’orthodoxie. L’inéligibilité est une peine.
Comment ?
Le contexte politique actuel est favorable. Et on va faire ce qu’on veut faire. Je ne vais pas vous dire comment.
Comment comptez-vous s’y mettre alors que l’inter-coalition Yewwi-Wallu n’a pas pu accorder ses violons lors du vote de la motion de censure ?
C’est un problème de concertations à temps. Nos jeunes se sont concertés. Les autres (Wallu) ont pensé que ce n’était pas suffisant. Nous les responsables, nous en avons tiré les conséquences. Nous avons mandat Déthié (Fall) et moi de faire le travail qu’il faut. On a décidé de pallier à ça.
Que vous inspire le cas Aminata Touré ?
Je renvois toujours le Président Macky Sall, à ses propres paroles. On m’a envoyé aujourd’hui (hier) avant je ne vienne ici un montage Tik Tok où tous les responsables de Benno Bokk Yaakaar qui, durant le référendum, s’étaient engagés face aux Sénégalais, avaient tenu des propos forts. Aujourd’hui, ce sont les mêmes qui parlaient, qui disent autre chose. On les laisse à leur conscience parce que je refuse de juger les gens. Je ne m’en donne jamais le droit. Aminata Touré a dit je veux rester cohérente. J’ai vendu aux Sénégalais une non-candidature du Président Macky Sall et elle se bat avec ça. Donc, elle est avec nous dans le même combat. C’est tout ! Qu’on se parle, qu’on puisse ensemble, c’est naturel et normal.
Donc, ce sont encore des nouvelles alliances contre-nature ?
Ce qui s’est passé pendant la campagne, c’est normal. Elle était tête de liste, elle voulait gagner comme politique. C’est fini. Aujourd’hui, Aminata Touré redevient Aminata Touré femme, député à l’Assemblée nationale avec ses convictions. Si elle avait fait comme les autres, on serait tenté à lui dire qu’elle a changé. Elle est restée cohérente et conséquente. Donc, pour moi, il n’y a aucune matière à épiloguer sur son attitude présente. Elle est cohérente.
Parlons des restrictions des libertés…
Je suis très déçu. Vous savez tous, que le Président Macky Sall pouvait faire preuve de fermeté et autre mais aujourd’hui c’est de la rigidité et de la peur. Je suis pour qu’une autorité soit ferme. Pourquoi le Président Macky Sall n’en recourt qu’à la prison contre ses adversaires ? Depuis 2012 à maintenant, quels sont les leaders de l’opposition qui n’ont pas fait la prison. Le jour où je serais face à lui, quand il ne sera plus président, je dirais que je veux tu m’expliques pourquoi la prison a été un instrument de lutte contre tes adversaires politiques. Moi, ça c’est quelque chose que je ne comprends pas. Aujourd’hui, les gens meurent, disparaissent, des morts suspects, vous avez vu tous les morts qu’il y a dans les manifestations. Vous vous souvenez que quand on a eu les policiers qui étaient morts (événements de 1994), c’était un tollé. Le Sénégal était traumatisé par ça. Depuis lors, les morts se comptent par dizaines dans ce pays. Pourquoi ? Qu’est-ce qui explique que les gens considèrent dans ce pouvoir qu’il n’y a que la force qui doit prévaloir : tuerie, emprisonnement, disparition. C’est ça mon problème et mes amis que j’ai de l’autre bord, j’essaie de leur dire pourquoi vous n’avez que la prison comme réponse?
Je ne ferais pas comme les autres. Je considère que je suis un homme d’Etat et la justice, c’est une partie essentielle de l’Etat. C’est notre recours et notre protecteur. Quand j’ai vu comment elle s’est comportée dans ma situation et dans celles de beaucoup d’autres sénégalais, on est en droit de s’interroger.
Au tribunal vous aviez des militants. Or, le juge n’avait que son intime conviction. Ses considérants avant d’arriver à la sentence. Ce que le juge Demba Kandji nous rappelait récemment dans une interview.
Je veux que le jour où il (Demba Kandji, Ndlr) recouvra sa liberté, que je le rencontre. Ce monsieur ! Ah non ! Moi, il y a des magistrats, je ne peux plus les respecter. Moi, je veux bien que les gens décident en âme et conscience. Demba Kandji, je ne le connaissais pas. Il ne me connaissait pas. C’est Aissata Tall Sall qui me l’a présenté. C’est quelqu’un pour qui j’avais beaucoup de respect parce qu’il était sur l’international. Il connaissait le droit et la justice internationale. Avant le délibéré, je savais que je serais condamné à 5 ans ou 7 ans de prison. Le jour du délibéré, on a quelqu’un de chez-nous qui a dit à tous nos amis que c’est 5 ans avant que le président Lamotte ne dise que c’est 5 ans. On le savait tous. Au début, c’était 7 ans. Les réunions se tenaient dans le cabinet du Président de la République et je peux donner des noms.
Allez y ?
Je ne donne jamais de noms. Je veux vous dire que mes 5 ans, ça n’a surpris personne dans mon entourage. Tout le monde le savait. Ce n’est pas ça qui me fait parler. C’est que je suis quelqu’un qui croit en l’Etat, en ses démembrements. Quand j’ai vu Demba Kandji se comportait d’une certaine manière, quand il me jugeait, c’est pourquoi j’ai arrêté d’assister au procès. Le président Lamotte a pris des décisions que je ne partage pas. Le président Demba Kandji a commencé son procès. La manière dont il se comportait avec les avocats, nos gens, j’ai dit celui-là je sais où il va. J’ai décidé de ne plus me représenter. Vous vous souvenez que je n’ai pas assisté au procès.
Je suis un homme d’Etat. Ces choses-là, je n’ai jamais eu peur parce que je crois en Dieu. Toute ma vie, je n’ai jamais eu peur. Je peux avoir honte mais jamais avoir peur.
Votre ambition pour le Sénégal ?
Je vous ai dit Taxawu, c’est un mouvement politique. Nous prenons des décisions en consultations. Donc, depuis six mois, on était dans un processus de structuration de Taxawu parce que nous sommes présents dans toutes les communes du Sénégal mais nous avions fait une structuration horizontale. Les camarades ont pensé qu’il fallait désormais faire une structuration verticale. Ce n’est pas Khalifa Sall qui se lève et qui décide de nommer. Non. On a fait beaucoup de concertations et à Kaolack. Nous avons validé deux choses : la structure verticale de Taxawu plateforme et l’adoption d’un programme de 12 mois de tournée dans toutes les communes du Sénégal. C’est une tournée de 12 mois qu’on commence dans 15 jours puisque nos camarades sont en train de valider le programme et inchalah on va le démarrer. Macky Sall, il ne lui reste que 14 mois.
Vous pensez qu’il ne sera pas candidat en 2024 ?
Ah ! Ça, je ne l’ai pas dit. Il ne devrait pas être candidat. C’est à lui d’en décider. Lui seul.
Si vous êtes un homme d’Etat, vous devrez accepter que ce soit le Conseil constitutionnel qui valide les candidatures ?
Je ne veux pas faire comme les autres mais quand tu as de grosses déceptions, tu as des problèmes. Je suis attaché à l’Etat. Pourquoi parfois je dénonce certaines choses parce que je ne crois qu’à l’Etat. Quand le Conseil constitutionnel viole des textes qui lui sont assujettis notamment sur le rabat d’arrêt. Quand on me dit que la loi organique dit que dans 4 matières, le rabat d’arrêt comme les délais sont suspensifs et qu’on vienne me dire ce n’est pas suspensif, je ne sais à quoi croire. C’est comme aujourd’hui, les dernières décisions du Conseil constitutionnel concernant un certain nombre de jurisprudence relativement par exemple au caractère complet ou non d’une liste. Le Conseil constitutionnel depuis l’arrêt Alé Lo en 2001, mais surtout la Cour suprême en 2021 avec les élections locales, avec nos listes de Pikine où il est clairement dit que le caractère complet ou non de la liste se détermine au moment du dépôt. La seule exception qui existait, c’était Alé Lo où on ne permettait pas certains changements qui ont été modifiés par 2021. Les modifications du code de 2021 ont enlevé cette interdiction de faire des modifications. Donc, quand le Conseil constitutionnel ou la Cour suprême violent leurs propres textes, j’ai le droit de désabuser, d’être déçu et le dire quand même. Depuis que le Sénégal existe, tout le monde sait qu’une liste électorale, c’est la liste des titulaires et des suppléants parce que la Cour suprême a fait une première décision à Thiès, on nous l’impose sur le plan national. Je ne suis pas contre les magistrats mais moi qui ne crois qu’en l’Etat, j’ai eu ma dose de déception.
Khalifa Sall et la perspective de 2024 ?
Inchalah. On se prépare. On s’organise. On se donne les moyens de la gagner. Et depuis lors on est en train avec Taxawu, avec les sénégalais de la diaspora, de se préparer. Le problème que j’ai, est que je ne parle pas beaucoup. Je vais toujours décider de quand je parle et de ce que je vais dire.
Dans Yewwi, chacun fait son boulot. Aujourd’hui, Ousmane Sonko est en Nemmeku Tour, Déthié Fall est en Kaay Bokk. Aida Mbodj depuis quatre semaines est sur le terrain. Malick Gackou est sur le terrain. Chacun fait à sa manière.
Vous n’avez pas de regret surtout au niveau du devoir l’exemplarité vis-à-vis de cette caisse d’avance ?
Aucun regret sur la caisse d’avance. Je vais vous donner un scoop. Je suis adjoint au maire de Dakar depuis 1984. Mais je suis responsable des Jeunesses socialistes du Cap-Vert depuis 1976. J’étais là quand Clédor Sall et Lamine Diack étaient maires, ensuite Mamadou Diop. Cette caisse a toujours existé. C’est pourquoi, quand je suis arrivé, je suis resté 5 mois, je n’ai pas voulu la faire fonctionner parce que j’avais dit au Président Wade, votre caisse-là tant que le maire est en phase avec le président, il n’a pas de problème mais le jour où on dispute, on va m’emprisonner.
Pourquoi alors l’avoir utilisé ?
Je l’ai dit même au procès. Il m’a dit : «non, il faut être (il ne termine pas la phrase) pour emprisonner un adversaire politique. Cette caisse servait à trois types de dépenses : les dépenses sociales, les dépenses coutumières et les dépenses de sécurité et de sûreté. Le Président de la République l’a sollicité.
Sauf que la défense consistait à présenter des justificatifs et vous n’en n’aviez pas ?
Un kilo de riz ou de mil équivaut à un nom de quelqu’un. Moi, je ne peux pas après avoir payé le cancer d’une dame, écrire son nom. Je ne mettrai pas des dépenses données mensuellement à la police ou à la gendarmerie parce que si tu se fais, tu déflores des choses. On m’a dit après que Samba Diallo avec Mamadou Diop au niveau de la communauté urbaine avaient posé le problème et le gouvernement avait donné raison à Mamadou Diop. C’était Souti Touré qui était ministre. J’ai toutes les lettres. C’était un combat politique.
Allez-vous le déclassifier ?
C’est un problème d’honneur. J’ai perdu ma mère à cause de la caisse d’avance. J’ai assumé les choses. Les malades n’attendent pas. J’ai fait un contournement. J’ai signé des conventions avec des hôpitaux pour qu’on les soigne directement. Quand tu dois payer des dialyses, tu donnes de l’argent pour payer. J’ai assumé cette affaire. Quand l’actuel président de la République me sollicitait avec son cabinet pour certaines dépenses, il savait que je ne demandais pas de reçu.
Ah bon ? Le président Macky Sall a bénéficié de la caisse d’avance ?
Je ne crois qu’en l’Etat. On doit servir l’Etat mais servir différemment de ce qui se fait aujourd’hui. Ce qu’on va faire, il faut qu’on restaure la Nation.
Recueillis par Abdoulaye THIAM et Baye Oumar GUEYE