Turquie: l’opposant Ekrem Imamoğlu désigné candidat de son parti à la présidentielle malgré son arrestation
Le maire d’opposition d’Istanbul Ekrem Imamoğlu, suspendu de ses fonctions et incarcéré dimanche, a été officiellement désigné candidat à la prochaine élection présidentielle prévue en 2028, après la primaire de son parti. Malgré ce scrutin, qualifié de succès pour l’opposition, celle-ci est également face à un défi et doit préparer la suite.
Le maire d’Istanbul Ekrem Imamoğlu, incarcéré sur décision d’un tribunal, a été désigné comme candidat à la présidentielle de 2028 lors de la primaire ouverte de son parti, dimanche 23 mars. Le principal opposant à l’actuel chef d’État, Recep Tayyip Erdoğan, a été investi par plus de 15 millions d’électeurs, soit un peu moins d’un électeur turc sur quatre, lors d’une primaire ouverte à tous les électeurs. La mobilisation a été telle que les opérations de vote ont dû être prolongées de plus de trois heures et des bulletins ont dû être réimprimés.
La semaine dernière, le maire d’Istanbul avait été placé en garde-à-vue pour des soupçons de corruption et de terrorisme. Finalement, seule la première charge a été retenue par le juge qui a ordonné sa détention. De sa prison, dans un message transmis par ses avocats, Ekrem Imamoğlu a dénoncé « une exécution sans procès ». Il a appelé la « nation à lutter » et a dit qu’il ne « reculerait pas d’un pouce ».
Soulèvement populaire
Depuis son arrestation, des centaines de milliers de personnes ont défilé dans les rues, à travers tout le pays. Le pays n’avait plus connu de telles manifestations depuis le mouvement du parc Gezi, en 2013, rapporte notre correspondante à Istanbul, Anne Andlauer.
Ces mouvements de contestation ont donné lieu à des mesures de répression des autorités turques, qui ont interdit tout rassemblement dans la plus grande ville du pays jusqu’à mercredi soir. « 1133 suspects ont été arrêtés dans le cadre d’activités illégales menées entre le 19 et le 23 mars 2025 », a indiqué sur X le ministre turc de l’Intérieur, Ali Yerlikaya. Au moins dix journalistes, dont un photographe de l’AFP, ont été également interpellés à l’aube lundi 24 mars, à leur domicile à Istanbul et Izmir (à l’ouest) a rapporté l’association turque de défense des droits humains MLSA.
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Le président turc a juré de ne pas céder à la « terreur de la rue ». Mais cette stratégie de la force pourrait jouer en sa défaveur. « Ce type d’acharnement du gouvernement rend la personne encore plus populaire. Je crois qu’aujourd’hui Recep Tayyip Erdoğan a vraiment créé son rival. Même depuis la prison, İmamoğlu peut continuer à peser massivement sur les prochaines évolutions politiques », analyse le politologue Ahmet Insel. « Ekrem Imamoğlu est en route vers la prison mais il est aussi en route vers la présidence », a d’ailleurs lancé Özgür Özel, le chef du Partir républicain du peuple (CHP) du maire d’Istanbul.
Maintenir le mouvement d’opposition
Pour le moment, le CHP conserve la mairie d’Istanbul, le gouvernement ne l’a pas placée sous tutelle. Le conseil municipal, dominé par le parti d’opposition, doit se réunir mercredi 26 mars pour désigner un nouveau maire.
L’organisation doit faire face à l’incertitude qui pèse sur le sort d’Ekrem Imamoğlu. Il pourrait rester détenu plusieurs mois, voire plusieurs années. Le défi pour l’opposition sera donc de maintenir vivante, sous une forme ou une autre, cette mobilisation ; de canaliser cette colère pour la transformer le moment venu en victoire dans les urnes, avec ou sans Ekrem Imamoğlu. Nul doute que le pouvoir lui réserve beaucoup d’autres épreuves d’ici au jour du vote, qui aura lieu dans trois ans au plus tard.
Réactions internationales
La situation en Turquie a suscité les réactions de la communauté internationale. « L’incarcération du maire d’Istanbul Ekrem İmamoğlu ainsi que de nombreuses autres personnalités constituent des atteintes graves à la démocratie », a déploré dimanche soir la diplomatie française, qui avait déjà condamné son arrestation.
À l’unisson, l’Allemagne, où vit la plus grande communauté turque de l’étranger, a fustigé « ceux qui emprisonnent les politiciens de l’opposition et les manifestants », dénonçant également une « atteinte à la démocratie ».
SOURCE RFI