Casamance – Découverte de mines antipersonnel à Djibanar : Le maire dénonce un «processus» de sabotage

Le samedi 8 mars dernier, Le Quotidien informait de la découverte de 2 mines antipersonnel dans la commune de Djibanar qui sont, heureusement, neutralisées par l’Armée. Selon le maire de cette commune du département de Goudomp, Ibou Diallo Sadio, ce serait le fait de bandes rebelles retirées en Guinée-Bissau qui cherchent à empêcher le déroulement normal du processus de reconstruction des villages le long de la frontière, tel qu’ambitionne de le faire le Plan Diomaye pour la Casamance.Des mines antipersonnel fraîches ont été découvertes dans la commune de Djibanar. Quel est votre sentiment ?

Naturellement, la découverte des mines antipersonnel a douché l’ardeur des populations à reconstruire leurs habitations. Dès qu’on parle de mines antipersonnel, on perçoit la psychose qui peut habiter ces populations. C’est une façon d’anéantir toute possibilité de retour. Nous estimons que c’est une tentative manifeste de sabotage du Plan Diomaye pour la Casamance (Pdc), parce que les poses sont fraîches. Le village d’Adoundou qui est ciblé se trouve à 3 km du poste de contrôle de l’Armée sénégalaise installé à Sikoung. On a déjà commencé le processus de reconstruction des habitations. Les populations désireuses de retrouver leurs terres ont défriché l’espace qui doit abriter les bâtiments. Elles viennent passer la nuit dans le village voisin de Bantancountou, et chaque matin, elles retournent à Adoundou pour travailler. Heureusement que, chaque matin, ils sont accompagnés par des militaires qui ont pu détecter et détruire ces engins très dangereux. Cela a créé la hantise, et depuis lors, je ne suis pas sûr que les travaux se poursuivent là-bas. L’Armée est engagée à accompagner ces populations pour leur permettre de bénéficier correctement du Pdc. Ce que je demande à l’Etat, au Président Bassirou Diomaye Faye et au Premier ministre Ousmane Sonko qui a été récemment à Bissau pour signer des accords de paix avec le Mfdc, c’est de dire à la partie bissau-guinéenne de procéder à des contrôles le long de la frontière. Nous savons qu’il y a un repli des bases rebelles en Guinée-Bissau, on n’en doute pas. Je demeure convaincu que ce sont eux qui font ces actions de sabotage. Surtout que l’on est à la veille de la campagne de commercialisation de l’anacarde.

(Il répète) Ce sabotage, à travers la pose de nouvelles mines, vient, à coup sûr, des bases rebelles qui ont été évacuées de la zone lors du ratissage effectué par l’Armée sénégalaise sous la direction du Général Kandé. Aujourd’hui, la zone n’est pas occupée par les rebelles mais, tout en étant en Guinée-Bissau, ils viennent, de temps à autre, faire des actes de banditisme le long de la frontière. Ils n’ont pas intérêt à ce que la zone soit habitée. S’ils réussissent à installer la peur chez les populations qui veulent revenir, le Pdc va en être fragilisé. En tout cas, pour ce qui concerne cette partie du département de Goudomp. Dans le cadre du bon voisinage et des bonnes relations diplomatiques, je demande à l’Etat d’exiger que la Guinée-Bissau s’engage à contrôler ces incursions sporadiques et dangereuses des bandes armées qui sont basées dans son territoire. Comme le Sénégal l’avait fait lors de la guerre d’indépendance de la Guinée-Bissau. Je sais que si la Guinée-Bissau collabore, on va en finir avec les incursions rebelles dans le territoire sénégalais. Nous sommes un peu inquiets par rapport à cette situation.

L’autre demande, c’est de poursuivre le programme de déminage. J’ai reçu le Cnams au lendemain de la découverte de ces mines dans la zone d’Adoundou. Le Cnams est dans de bonnes dispositions, mais il faut un accompagnement de l’Armée. Je rappelle que ce sont les mêmes bandes qui avaient suspendu le processus de déminage de la zone en 2018 avec Handicap Inter­national qui, à l’époque, avait déminé une bonne partie de la commune, à l’exception de cette zone. Et ce sont des bandes armées basées en Guinée-Bissau qui y avaient chassé les équipes de déminage de Handicap International. Si la reconstruction est accompagnée d’actions de ratissage et de déminage, je demeure convaincu que la zone va retrouver son calme.

Quel est l’impact du retrait du financement de fonds américains pour le retour des déplacés ?

On a reçu brutalement l’information selon laquelle le gouvernement américain a décidé de bloquer l’aide des Etats-Unis, au Sénégal notamment. Evidem­ment, cela va impacter l’assistance de certaines populations, surtout en Casamance et particulièrement dans la commune de Djibanar où l’Ong américaine Shelter for life accompagne, depuis bientôt 6 ans, les villages déplacés du fait de la rébellion. Un accompagnement consistant qui repose sur la dotation en matériaux de construction.

Shelter for life a été plus pragmatique dans le programme d’appui des populations déplacées. En collaboration avec les collectivités territoriales, les Forces de défense et de sécurité et l’Administration territoriale, Shelter for life a aidé à réinstaller 17 villages sur les 23 déplacés dans la commune. Le processus se poursuivait avec les 6 villages restants. Le comité consultatif avait déjà procédé à la sélection des bénéficiaires. Chaque bénéficiaire reçoit 120 tôles de qualité, 40 lattes, des clous, un puits moderne, des latrines, avec une dotation en kits d’hygiène. La conséquence de cette décision de la Présidence américaine, c’est que le bureau de Shelter for life installé à Djibanar est fermé depuis le mois de janvier. C’est une situation que nous regrettons. Heureusement que le Plan Diomaye pour la Casa­mance est venu pour appuyer le retour des populations déplacées, mais cette fois-ci avec une envergure nationale. Ce programme est piloté par l’Anrac et le Puma. Un plan qui est venu dissiper nos inquiétudes. Il n’y aura pas de rupture dans les programmes de reconstruction des villages anciennement déplacés. Fort heureusement.

Est-on dans la phase active du Plan Diomaye pour la Casamance ?

Le Comité de pilotage régional du Pdc, présidé par le Gouverneur de région, a procédé à un ciblage des premiers bénéficiaires. Et la commune de Djibanar, très impactée par la crise en Casamance, a eu la chance de bénéficier de la construction de 2 écoles élémentaires. Une à Bantancountou, un village qui avait déjà une école avant le déplacement de ses populations. Cette école polarise les villages d’Akintou, Sifassou­toung, Kanampar, Sikoung Bram, Sikoung Mancagne et Adoundou. Une autre sera construite à Bindaba qui avait aussi une école. Ce nouvel établissement scolaire permettra de fixer davantage ces populations. Je rappelle que les enfants de tous ces villages, ou presque, étudient à Goudomp et Baconding. Et tous les après-midi de vendredi, ils retournent dans leurs villages d’origine pour revenir le dimanche soir ou lundi matin. Un exercice très risqué. Récem­ment, un vendredi soir, un élève du village de Bantancountou, sur le chemin du retour, a été mortellement percuté par une moto. C’est dire que le Pdc est venu à son heure. Nous saluons cette initiative du Président Bassirou Diomaye Faye.

Propos recueillis par Abdoulaye KAMARA (Envoyé spécial à Djibanar) akamara@lequotidien.sn

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