Les pays de l’Aes quittent la Cedeao: DIOMAYE N’A PU DÉSARMER LES PUTSCHISTES
La CEDEAO, qui voulait retenir les pays de l’Aes, pensait pouvoir compter sur Bassirou Diomaye Faye, qui croyait avoir une proximité idéologique avec les régimes putschistes, autoproclamés «souverainistes» à Niamey, Ouagadougou et Bamako, pour les retenir dans son giron. Aujourd’hui, il est clair que la médiation sénégalaise n’a pas suffi, comme le montre le départ définitif acté hier.
Rien n’a pu empêcher le départ du Mali, du Niger et du Burkina Faso de la Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’Ouest (Cedeao). Ce 29 janvier a sans doute rendu tristes les pères fondateurs de cet espace d’intégration sous-régional, avec la perte d’un pan entier des pays du Sahel. Mais, ce départ était devenu irréversible avec la décision des putschistes au pouvoir à Bamako, Niamey et Ouagadougou, qui, incapables de respecter la volonté de leurs concitoyens, ont décidé de sceller un commun destin qui sert de bouclier à la survie de leurs différents régimes.
Dans la Cedeao, on a espéré retenir dans son giron les «frères» rebelles. En vain ! Bassirou Diomaye Faye, qui avait nommé Abdoulaye Bathily comme Envoyé spécial, a constaté que son poids diplomatique n’a pas pesé pour garder les putschistes. Or, Bola Tinubu, le Président du Nigeria et président en exercice de la Cedeao, lui avait pourtant demandé de tout tenter pour faire «rentrer au bercail» ces trois pays du Sahel. Elu à la tête du Sénégal de façon éclatante, le Président sénégalais avait été désigné comme médiateur, parce que surtout, ses idéologies souverainistes et panafricanistes proclamées avaient le même écho chez les militaires putschistes et leurs alliés d’une certaine société, dite civile africaine.
Il s’était rendu quelques semaines après son élection, notamment le 30 mai, au Mali et au Burkina Faso pour une «visite d’amitié et de travail», en vue de renforcer «les liens historiques de bon voisinage».
Le programme de Diomaye-Sonko, qui annonçait la rupture avec l’ordre néocolonial et une promesse de changement, devait permettre de mettre en place un pont stratégique avec les militaires pour les maintenir ou au moins, retarder leur départ de la Cedeao. A l’évidence, cette supposée proximité idéologique, qui avait suscité des interrogations auprès des partenaires du Sénégal et au sein de la Cedeao, n’a pas altéré cette détermination affichée par les pays de l’Aes de créer un espace parallèle à la Cedeao dans une Afrique de l’Ouest fragilisée par des menaces sécuritaires.
Cette organisation avait renouvelé au Sénégalais sa confiance, lors de son sommet de décembre, pour poursuivre les pourparlers avec Assimi Goïta, Abdourahamane Tiani et Ibrahim Traoré.
Lors de sa visite à Abidjan le 7 mai 2024, le chef de l’Etat sénégalais assurait que la Cedeao «est un outil formidable d’intégration [que] nous gagnerons à préserver». Il ajoutait : «Je suis persuadé que nous devons continuer d’agir dans la solidarité au sein de l’espace Cedeao, de faire les réformes nécessaires et d’œuvrer à dissiper les incompréhensions qui ne peuvent manquer de survenir.»
Les nouvelles dispositions prises avant la Conférence des chefs d’Etat
Pour l’instant, la Cedeao ne ferme pas son espace aux pays de l’Aes. De toute façon, cela aurait été plus complexe dans une zone où règne une double communauté d’intégration, avec l’Uemoa au sein de laquelle siègent encore les pays de l’Aes. La Commission de la Cedeao continue à reconnaître, jusqu’à nouvel ordre, les passeports et cartes d’identité nationaux portant son logo, détenus par les citoyens du Burkina Faso, de la République du Mali et de la République du Niger, «à accorder aux biens et services provenant des trois pays concernés, le traitement prévu par le Schéma de libéralisation des échanges (Slec) et la politique d’investissement, à permettre aux citoyens des pays concernés de continuer à jouir, jusqu’à nouvel ordre, du droit de circulation, de résidence et d’établissement sans visa, conformément aux protocoles en la matière». Elle annonce qu’elle va «apporter aux fonctionnaires de la Cedeao originaires des trois pays, un soutien et une coopération sans faille dans le cadre de leurs missions pour la communauté». «Ces dispositions resteront en vigueur jusqu’à l’adoption, par la Conférence des chefs d’Etat et de gouvernement de la Cedeao, des modalités complètes régissant nos relations futures avec les trois pays. La Commission a mis en place une structure pour faciliter les discussions sur ces modalités avec chacun des trois pays. Ce message est nécessaire pour éviter toute confusion et toute perturbation dans la vie et les affaires de nos populations pendant cette période de transition», annonce la Commission dans un communiqué. Une voie de sagesse, étant donné qu’il serait difficile et improductif d’exclure des pays qui ont compris que le véritable enjeu pour eux et leur population est encore de maintenir leur présence au sein de l’Uemoa, la partie la plus dynamique de la Cedeao.
Par Bocar SAKHO – bsakho@lequotidien.sn