Royaume-Uni: la grève des infirmières symptomatique d’un système de santé à genoux

Des délais d’attente de traitements qui s’allongent, des pénuries de personnel, un sous-financement chronique et désormais une grève des infirmières. Au Royaume-Uni, le système public de santé est à bout.

La mobilisation des infirmières les 15 et 20 décembre prochains – une première en 106 ans – jette une lumière crue sur la crise que traverse la NHS, institution adorée des Britanniques à genoux après des années d’austérité, une pandémie et une inflation record.

« L’hiver s’annonce rude », a déjà prévenu Matthew Taylor, le directeur de la NHS Confederation qui représente les hôpitaux en Angleterre.

Quelque 7,1 millions de personnes sont dans l’attente d’un traitement dans le pays, un record.

– Austérité –

Les difficultés pour remplacer un personnel épuisé qui quitte le secteur ont encore intensifié une crise bien partie pour durer alors qu’inflation record et récession sont synonymes de coupes dans les dépenses publiques.

Mais la crise économique s’ajoute déjà à une série de problèmes auxquels fait face depuis des années la NHS, institution créée en 1948 et financée par l’impôt.

Car le système, qui coûte 190 milliards de livres par an (221 milliards d’euros) et emploie 1,2 million de personnes rien qu’en Angleterre, est depuis longtemps sous-financé.

Pour Richard Sullivan, professeur spécialiste du cancer à King’s College London, la crise de la NHS est latente « depuis des années ».

« Une fois que vous commencez à faire surchauffer le moteur, vous l’épuisez », résume-t-il. « Je pense qu’on est partis pour des années très difficiles. »

Selon les experts de la santé, la crise est exacerbée par 12 années de restrictions budgétaires sous les gouvernements conservateurs successifs, ainsi que par le Brexit (de nombreux soignants venant de l’UE) et la pandémie, qui a retardé les soins non urgents.

– « Moral bas » –

La crise du coût de la vie liée à l’inflation record au Royaume-Uni a été à l’origine de nombreux mouvements sociaux dans tous les secteurs, des transports à la justice en passant désormais par la santé.

« Je ne sais pas quoi faire, je ne sais pas comment vont faire mes collègues », déplore Ameera (elle n’a pas souhaité donner son nom), une infirmière londonienne alors que les salaires réels sont en chute libre en raison de la hausse des prix.

« Ils galèrent vraiment pour nourrir leur famille, ils vont aux banques alimentaires », affirme-t-elle à l’AFP.

Selon elle, les infirmières enchaînent les gardes et pâtissent de la pénurie de personnel liée en partie aux nouvelles règles migratoires post-Brexit.

NHS England doit ainsi combler 130.000 postes, dont 12.000 docteurs en hôpitaux et 47.000 infirmières.

Les infirmières sont censées s’occuper de quatre patients par garde mais on leur demande parfois le double tout en alternant horaires de jour ou de nuit.

« On a seulement deux yeux », déplore Ameera. « Le moral est vraiment bas. »

– « Effondrement » –

Aux pénuries dans les hôpitaux s’ajoute un manque de médecins généralistes. Par conséquent, de plus en plus de personnes n’arrivent pas à prendre de rendez-vous et vont aux urgences pour se faire soigner.

« Je n’ai jamais vu un tel afflux de patients arrivant et ayant besoin d’une aide qu’ils ne peuvent pas obtenir », affirme Ameera. « Il y a constamment des files d’attente qui s’étirent sur la route », ajoute-t-elle. « La NHS est au bord de l’effondrement. »

Sous-financée, la NHS n’a pas été épargnée par des scandales qui se sont succédé ces dernières années et ont mis en évidence des défaillances dans la gestion quotidienne des services.

Cette année, de nombreux rapports ont révélé de graves « défaillances » dans les maternités, ayant contribué à la mort de bébés qui auraient pu survivre s’ils avaient bénéficié de meilleurs soins.

Pour M. Sullivan, tous ces problèmes n’ont pas de solution à court terme et le Royaume-Uni doit imiter des pays comme le Danemark et la Suède et abandonner un système de santé pensé dans une logique de marché.

Le secteur a besoin « d’une meilleure organisation, de meilleures structures, d’un meilleur leadership et de meilleures politiques », selon lui.

Par James PHEBY

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