Fortes pluies : La peur à Keur Massar, Kaolack sous les eaux

Alors que la pluie s’annonce, l’angoisse s’installe chez les populations. Elles craignent cet hivernage qui a débuté hier avec les premières précipitations. Pour avoir vécu, pendant plus de trois ans, les dégâts dus aux inondations, des habitants de Keur Massar Nord prennent leurs dispositions pour éviter les surprises des dernières années. Après les premières pluies d’hier, la peur s’est exacerbée.

«J’appréhende cet hivernage avec beaucoup de crainte. Je suis vraiment très… très inquiet», assure M. Niang, président du Conseil de quartier de la Cité Darou Salam 2 Bis de Keur Massar. Ce ressenti habite aussi Babacar Sané, qui habite à la Cité Firdawsi. «A chaque fois que l’hivernage approche, je stresse tellement que je n’arrive plus à penser à autre chose», note-t-il. A Keur Massar, départementalisé, après les inondations de 2021, les impacts des derniers hivernages sont visibles dans cette zone où la densité démographique est exceptionnelle.

Aux Cité Darou Salam 2 Bis, Cité Darou Salam 2 Extension, Cité Firdawsi, Cité Cpi, le quotidien est épouvantable. Les populations vivent avec les eaux de pluie qui y stagnent depuis plusieurs années. Il y a les herbes sauvages qui poussent partout et prennent les mêmes hauteurs que les habitations. Un sol encore humide, des maisons abandonnées, d’autres menacent ruine. C’est le décor de la Cité Darou Salam 2.

Après quelques minutes de marche, un «bassin» de rétention, creusé par les habitants du quartier lors de la saison des pluies précédente, est rempli d’eau à la couleur verdâtre. Jadis, cet espace servait de terrain de football aux jeunes du quartier. Aujourd’hui, il est bordé d’herbes qui ornent un lac vert. C’est dans cet environnement que vivent les habitants de la Cité Darou Salam 2 Bis et Extension. Rien de ce qu’ils voient autour d’eux ne les enchante. Ces quartiers subissent les dégâts de la pluie depuis plusieurs années. Autant cette communauté semble s’y faire, autant leur calvaire reste insupportable. Dans des maisons joliment construites, l’intérieur est fait de carreaux qui se craquellent, de peinture défraîchie et d’un système électrique défaillant. «Il suffit d’une pluie pour que la cour soit abandonnée, car l’eau, en plus de stagner devant la maison, remplit également la fosse, et du coup, une grande insalubrité s’installe. Nous sommes ainsi obligés de manger dans le salon car étant le seul endroit approprié à ce moment-là», raconte M. Diongue. C’est le quotidien de la famille Diongue en période d’hivernage. Le couple ne reçoit aucune visite après les premières pluies. Du côté de la Cité Firdawsi/Cpi, Mme Lô confie les mêmes complaintes : «Les visites en période hivernale, je ne souhaite pas en recevoir, parce que l’état du quartier et de la maison ne donne aucune envie d’avoir des hôtes. Non seulement le déplacement devient un parcours du combattant, mais aussi il est difficile de faire correctement le ménage car à chaque fois qu’il pleut, il y a une insalubrité pas possible. Devoir accueillir des gens dans de telles conditions, ce n’est pas du tout confortable.»

Il y a un peu plus de quatre ans, ces cités ne connaissaient pas ces problèmes d’inondations, les habitants n’étaient pas confrontés à une telle catastrophe. Malheureusement, depuis trois ans, ils vivent un calvaire continu dont ils ignorent la fin. «La situation a empiré ces trois dernières années. La saison précédente a été vraiment très difficile, hyper difficile. La première année, tout le monde avait mis la main à la pâte puisque c’était un fait nouveau. On s’est battus. L’année suivante, le maire nouvellement élu (Adama Sarr) est passé et nous avait appuyés d’une motopompe électrique d’un bon débit. Malheureusement, elle est tombée en panne et au lieu de le signaler, certains ont essayé de la bricoler», rappelle Mme Lô.

Danger permanent
A la Cité Firdawsi/Cpi, les habitants sont souvent confrontés à l’apparition de certains reptiles dans leurs maisons. Tout comme la Cité Darou Salam 2, ses habitants ont érigé, sans études de génie civil, un «bassin» de rétention. Cet espace, envahi par les herbes, est souvent une zone où plusieurs espèces animales surgissent. Cela ne fait qu’accentuer l’angoisse des riverains qui n’ont pas l’esprit tranquille, surtout avec leurs enfants qui peuvent être menacés par ces animaux. «Ma coépouse ne passe plus les mois de juillet et août au Sénégal depuis que son fils a eu la jambe cassée lors des inondations. C’était vraiment dur pour eux d’être confrontés à cette situation et depuis lors, ils ne s’imaginent plus revivre la même chose», confie Ndèye Diongue de la Cité Darou Salam 2 Extension. A un pâté de maisons de là, se trouve la famille Sougou.

Assis devant sa maison, le père de famille boit tranquillement son café. Sous ses yeux, ses enfants jouent à même le sol qui n’est pas aussi humide que les autres endroits. En dépit des apparences, Mous­tapha Sougou, chauffeur-ambulancier secouriste, ne dissimule pas son inquiétude : «Vous voyez ce qui se passe, n’est-ce pas ? Ces enfants qui sont en âge de profiter pleinement de leurs vacances, ils ne voient nul autre moyen que de jouer dans le sable. Ceci peut leur causer beaucoup de maladies, notamment quand la pluie commencera à tomber. Ce n’est pas du tout rassurant. Le pire, c’est qu’à aucun moment, le quartier n’est pulvérisé par le service d’hygiène, ni pendant ni après l’hivernage.»

Comment vivre dans les eaux
Ils n’ont pas attendu que la mairie veuille leur doter de pompes ou autres matériels pour sortir leurs quartiers des eaux qui gagnent de l’espace à chaque pluie. Ils ont mis en place un système de cotisation et obtenu des dons pour espérer avoir des moyens de faire face aux inondations. D’autres mettent entre parenthèses leurs activités professionnelles pour rester auprès de leurs familles et voisins. M. Sougou explique : «A chaque fois que la pluie commence, je prends mes congés. Je ne travaille pas durant cette période. Au pire, j’alterne avec certains de mes collègues afin d’être auprès de ma famille.»

Aujourd’hui, les habitants de la Cité Firdawsi/Cpi ont établi une liste de besoins qui s’élèvent à 1 million 207 mille F. Ils peinent à réunir ce montant, mais continuent de garder espoir. Mamadou Lamine Sané, habitant de la cité, est un étudiant en première année à l’Un-Chk. Avec son frère Babacar, ils sont les «ingénieurs» qui maîtrisent le plus la gestion de ces eaux. Avec d’autres jeunes du quartier, ils étaient prêts à n’importe quelle heure de la nuit ou du jour pour mettre en marche la machine afin de pomper les eaux. Il dit : «Nous ne pouvons pas toujours rester à attendre la mairie. Grâce aux cotisations des différentes familles, nous nous organisons pour acheter un minimum de matériels pour évacuer les eaux. De la mairie, nous ne recevons que des tuyaux que nous raccordons avec les nôtres pour pouvoir y arriver.»

Ousseynou Guèye, responsable à la cité, est déçu par le maire. Selon lui, toutes les promesses des autorités qu’ils ont reçues n’ont pas été suivies d’actions concrètes. Il semble très désolé par ce «laxisme» municipal : «Nous avons eu une audience avec le maire et nous attendions le démarrage des travaux qui consistaient à nous doter d’un assainissement au mois d’avril, mais jusqu’à présent, nous n’avons rien vu. Pour l’heure, nous voulons juste avoir de bonnes machines et de bons tuyaux, car c’est ce qui pourrait alléger notre situation. Sinon nous risquons de perdre nos maisons à force de subir chaque année de fortes pluies.» Du côté de la Cité Darou Salam 2, M. Niang soutient que les habitants «ont beaucoup misé sur le projet, mais la date annoncée pour le début des travaux est passée et nous sommes toujours au même niveau. Beaucoup d’espoirs ont été fondés sur les projets annoncés parce qu’une entreprise est déjà passée dans le quartier pour l’installation des bornes. Le maire a mandaté un de ses collaborateurs, en l’occurrence Aziz Sow, qui s’est déplacé pour s’entretenir avec nous. Si le projet venait à se réaliser, nous serions vraiment très heureux. D’ici là, il faut faire avec les moyens du bord et si la commune ne vient pas en appui, ça va être vraiment difficile, car la machine est en panne».
Aujourd’hui, ils restent soucieux quant aux conséquences qui en découleront. En tout cas, les habitants des cités Darou Salam 2 et Firdawsi/Cpi attendent les premières pluies avec angoisse. Et elles sont tombées hier, annonçant un hivernage précoce et pluvieux… Et aussi plein de larmes.

SOURCE LEQUOTIDIEN

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