Paris 2024: à J-100, entre satisfactions, questionnements et inquiétudes, que reste-t-il à faire?

Voilà la France à très exactement 100 jours d’accueillir les Jeux Olympiques de Paris 2024. Si le Cojo de Tony Estanguet et les différentes parties peuvent se réjouir de quelques réussites dans le calendrier fixé, entre la promesse de baignade dans la Seine, les transports et la cérémonie d’ouverture, il y a encore du travail. Il reste 100 jours pour l’abattre.

Par :Yohann Le Coz – SOURCE RFI

100 ans après, voilà que le compte à rebours affiche 100 jours. Un siècle après les derniers Jeux Olympiques à Paris, les cinq anneaux, symbole suprême du sport, seront de retour dans la capitale à partir du 26 juillet, date du coup d’envoi de la quinzaine olympique. Dans 100 jours, les Français se demanderont, pour beaucoup, si Victor Wembanyama emmènera l’équipe de France de basket au plus haut, ou si Teddy Riner va enfin décrocher une troisième médaille d’or en individuel pour couronner sa carrière.

Pour le moment, l’interrogation principale réside en une phrase « Est-ce qu’on sera prêts ? ». Les railleurs se plaisent à moquer les couacs et sujets encore sensibles à trois mois du grand coup d’envoi, les optimistes se réjouissent de cette fête du sport qu’ils imaginent déjà comme une réussite. Point sur la situation. 

Ce qui sera prêt : les infrastructures livrées dans les temps

Voilà le nerf de la guerre. Celui qui a vu des villes comme Rio ou Pékin faire exploser leur budget au fil des travaux. Pour le moment, la bataille des infrastructures est gagnée par la Solideo, société en charge de la livraison des chantiers des JO 2024, et le Comité d’organisation. En effet, toutes les infrastructures nouvellement construites et durables ont été réalisées dans les temps. À commencer par les deux « villages ». Celui des athlètes a été inauguré fin février, en présence d’Emmanuel Macron. Si le budget a été légèrement revu à la hausse d’environ 100 millions d’euros, partiellement en raison de l’inflation, les délais ont été respectés, même si le site n’est pas encore tout à fait opérationnel puisque les logements sont en train d’être aménagés et équipés. Même constat pour le village des médias à Dugny (Seine-Saint-Denis), inauguré tout début mars et dont les lots de logement sont déjà presque tous vendus pour l’après Jeux.

Côté sportif, l’Arena Porte de la Chapelle donne satisfaction puisque le Paris Basketball y a déjà posé ses valises en tant que club résident, en attendant les Jeux lors desquels le badminton et la gymnastique rythmique y prendront leurs quartiers. Même son de cloche du côté du centre aquatique de Saint-Denis, en face du Stade de France, même si son inauguration a donné lieu à une scène comique du plongeur Alexis Jandard qui s’est quelque peu raté sur le plongeoir lors d’une démonstration sous les yeux des médias et du président de la République.

Les travaux moins lourds, concernant des équipements déjà existants, à l’image de la marina du Roucas-Blanc à Marseille, qui accueillera les épreuves de voile, se sont bien déroulés, quand bien même le budget y a été doublé (44 millions d’euros). Et il est désormais temps de s’attaquer aux structures temporaires, qui émailleront notamment la ville de Paris, comme le stade éphémère au pied de la tour Eiffel, en cours de montage, qui accueillera les matches de cécifoot et de beach-volley. 

Il reste des doutes : la cérémonie d’ouverture

« À partir du moment où ils sont très sécurisés, les grands événements sont sans doute parmi les endroits les plus sûrs », a affirmé Gérald Darmanin dans les colonnes du Parisien. Pas de raison, donc, de dévier du plan initial d’une cérémonie d’ouverture des Jeux Olympiques sur la Seine. On garde le cap, avec quelques ajustements. 

D’abord, la jauge de spectateurs qui pourront y assister depuis les berges du fleuve a été réduite à 326 000 personnes, contre 600 000 à l’origine. Ensuite, le ministre de l’Intérieur a détaillé les mesures qui entoureront l’évènement. Sept jours avant la cérémonie, une zone antiterroriste sera mise en place le long de la Seine, « entre le pont de Bercy et le Trocadéro », a expliqué le locataire de place Beauvau. Il faudra donc montrer patte blanche via un QR code d’accès et une pièce d’identité afin d’entrer. À noter que ces mesures seront encore plus restrictives le jour J, avec une interruption quasi complète de la circulation. 

Reste qu’avec le plan Vigipirate renforcé depuis l’attentat de Moscou du 22 mars, la menace terroriste est prise en compte. Et pour la première fois, l’existence de plans de repli au Trocadéro ou au Stade de France pour une cérémonie réduite, mais plus sécurisée a été évoquée par Emmanuel Macron lundi. Pendant ce temps, les tests des dispositifs de lutte antidrones, car ils ne semblent pas encore au point, ont confié plusieurs sources sécuritaires à l’AFP. Et dans un autre registre, le recrutement pour les artistes qui participeront au spectacle sur la Seine continue. 

L’interrogation : la Seine sera-t-elle baignable ?

Avant même le début des Jeux Olympiques, la baignade dans la Seine a connu quelques couacs. Durant l’été 2023, des épreuves de natation test pré-JO ont été annulées en raison d’une pollution bactériologique trop élevée. Une décision d’annulation qui avait alors fait grand bruit, tant l’assainissement du fleuve pour le rendre baignable est un projet politique autant que sportif. À l’époque, World Aquatics s’était dit confiant et assurait « comprendre que des projets d’infrastructures seront terminés et apporteront une amélioration significative à la qualité de l’eau pour les JO l’année prochaine ». 

Reste que plus récemment, l’ONG Surfrider Foundation a mis en garde lundi contre l’état « alarmant » des eaux de la Seine, où doivent se tenir plusieurs épreuves, après avoir réalisé une campagne de prélèvements sur six mois, en dehors de la période prévue pour la baignade. L’association a effectué 14 mesures entre fin septembre 2023 et fin mars 2024 sous les ponts Alexandre-III et de l’Alma, sites des futures épreuves de triathlon et nage en eau libre. Parmi elles, 13 se révèlent « au-dessus voire très largement au-dessus » des seuils recommandés concernant les bactéries indicatrices de contamination fécale, Escherichia coli et entérocoques. 

Ce à quoi le Cojo a répondu par la voix de Tony Estanguet : « J’ai été un peu surpris qu’on fasse une étude sur des qualités d’eau en plein hiver, des moments où les rivières et les fleuves ne sont pas dans des états qui permettent la baignade ». Ce dernier a rappelé également que « l’objectif, déjà, c’est de réussir à pouvoir se baigner pendant l’été et tout est mis en œuvre pour que ce soit le cas dès l’été prochain » et assuré « avancer avec sérénité » sur le sujet. Pour rappel, la mairie de Paris et la préfecture de région, à la tête du comité de pilotage du plan dans lequel l’État et les collectivités ont injecté 1,4 milliard d’euros pour rendre le fleuve baignable.

La grosse inquiétude : les transports franciliens 

Avant toute chose, il faut rappeler que dans le dossier de candidature qui avait été présenté en 2015 au Comité international olympique (CIO), figurait l’existence des lignes de métro 15, 16 et 17 du Grand paris Express. Voilà bien longtemps que ces promesses, qui ont évolué au fil du temps, ont été rayées de la liste. Mais leur abandon met en perspective les tensions et interrogations actuelles concernant la bonne organisation du réseau de transport francilien durant les Jeux.

Actuellement, c’est la mobilisation générale pour éviter le chaos cet été. Avec 15% de trains en plus qu’un été normal, pour absorber un flux semblable à un jour ouvré normal d’hiver. Pour ce faire, la RATP a recruté et continue de recruter massivement, que ce soit aux postes de conducteurs, agents de station, opérateurs de maintenance… Quitte à pousser « l’appareil de formation à son maximum », a assuré le PDG de la RATP, Jean Castex. « On ne pourrait pas recruter davantage », a-t-il ajouté. Suffisant pour retrouver un niveau d’avant Covid-19 ? Les usagers en rêvent.

Car les difficultés des usagers au quotidien sur plusieurs lignes de métro, de RER et de bus inquiètent. « Si ça se passait mal, on porterait atteinte au crédit de la France », a prévenu Jean Castex dans un entretien à L’Équipe. Les autorités multiplient les appels à éviter les transports sur la période, pour ceux qui le peuvent. « Il ne faut pas avoir peur de faire un peu de marche, c’est bon pour la santé », a lâché Valérie Pécresse, à la tête d’Ile-de-France mobilités qui gère les transports franciliens. « C’est peut-être le moment de sortir son vélo », a renchéri le ministre délégué aux Transports, Patrice Vergriete.

Un budget plutôt maitrisé

D’un côté, il y a le budget dédié à l’organisation même des Jeux Olympiques, qu’il s’agisse de payer les agents de sécurité, de location du Stade de France. Ce budget a augmenté de près de 600 000 euros. Le comité d’organisation des jeux, le Cojo, presque intégralement financé par des fonds privé, explique ce surcoût par l’inflation. Il y a aussi un surcoût pour l’autre budget de Paris 2024 : celui de la Solideo, la société chargée de livrer les sites des compétitions, et financé pour moitié par le public. Près de 2 milliards d’euros de plus que prévu, la facture est en hausse de 15%, mais elle reste est plutôt maitrisée, estime Christophe Le Petit du Centre de droit et d’économie du sport.

« Le budget global, il est plutôt tenu. Ça fait des jeux de Paris effectivement qui sont plutôt dans la fourchette basse de ce qu’on a pu observer. Notamment quand on en compare Rio à Pékin ou à d’autres d’autres éditions passées. L’un des arguments de la candidature de Paris qui était d’avoir peu d’infrastructures à construire, s’est vérifié. Et donc finalement, c’est souvent là que ce que se déroulent les explosions budgétaires. »

Mais attention, plusieurs dépenses publiques ne figurent pour le moment pas dans le budget des Jeux Olympiques. C’est le cas de la mobilisation des forces de l’ordre ou de l’installation d’espaces pour les fans n’ont pas été chiffrés. La Cour des comptes doit publier un rapport à l’automne 2025. 

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