« La Francophonie avec Elles » : un fonds de soutien aux femmes face aux crises

C’est sur fond de crise de la Covid que le dispositif « La Francophonie avec Elles » est lancé en 2020, à l’initiative de la secrétaire générale de l’OIF, Louise Mushikiwabo. Objectif : donner aux femmes et aux filles les moyens de se relever dignement des crises auxquelles elles sont confrontées. En deux ans, près de 34 000 femmes ont pu en bénéficier. Entretien avec Vanessa Lamothe, ambassadrice stratégie à l’OIF.

140 millions de femmes vivent aujourd’hui dans les pays francophones. En 2050, elles seront plus de 350 millions. On comprend aisément l’enjeu qu’elles représentent, d’un point vue social, économique, sanitaire et bien évidemment démographique. D’elles dépend l’avenir de la planète francophone. L’Organisation internationale de la francophonie a décidé d’en faire l’un des thèmes principaux du XVIIIe sommet de la francophonie qui se tient à Djerba, en Tunisie, les 19 et 20 novembre 2022. Une table ronde officielle à huis clos réunira les dirigeants et chefs de gouvernement autour de cette thématique, sans doute une première dans l’histoire des sommets de la francophonie. 

Mais l’OIF, sous la houlette de sa secrétaire générale, choisie en 2018 lors du sommet d’Erevan en Arménie, n’a pas attendu pour se pencher sur ces questions. En 2020, la situation des femmes et des filles, touchées de plein fouet par la crise pandémique, suscite l’inquiétude générale.

Les femmes et les filles se trouvent parmi les plus touchées. Confinements. restrictions et autres mesures sanitaires vont entraîner des dégâts « collatéraux », comme l’explosion des violences domestiques ou la privation d’école pour les petites filles. De ce constat nait l’idée du projet « La Francophonie Avec Elles ». 

©OIF

Retrouvez notre portrait ► Louise Mushikiwabo : les femmes au coeur de l’action de l’OIF

Les femmes, toujours les plus touchées par les crises

Le 9 juillet 2020 est donc lancé ce fonds de soutien, programmé pour une durée de quatre ans. Son objectif : accompagner des actions de terrain qui permettent aux femmes et aux filles en situation de vulnérabilité d’accéder au développement économique, à l’éducation, à la santé, à la citoyenneté et à la formation. La même année, ce sont pas moins de 15 000 femmes qui vont pouvoir en bénéficier. Au total, pour ce lancement, 2,7 millions d’euros de subventions sont attribuées. 

<p>Naima Bahadou, éleveuse au Maroc, bénéficiaire du fonds "La Francophonie Avec Elles" en 2020.</p>

Naima Bahadou, éleveuse au Maroc, bénéficiaire du fonds « La Francophonie Avec Elles » en 2020.

©OIF

Parmi ces femmes, Naima Bahadou, éleveuse du village de Tmasinte, au Maroc. Accompagnée par l’association Elevages sans Frontières (ESF), elle a reçu trois chèvres, un lot de matériel nécessaire à l’élevage caprin, et a suivi plusieurs formations.

Naima s’est engagée à donner les trois premières chevrettes nées dans son élevage à une autre famille.

En 2021, le total des subventions grimpe à 3,9 millions d’euros. Le Fonds soutient 84 projets et 20 000 femmes ont pu y accéder. 

Femmes résilientes de l’espace francophone

Une table ronde consacrée aux femmes résilientes en francophonie, organisée au pavillon de la francophonie à Djerba, a permis de dresser un bilan de l’opération « La Francophonie avec Elles ». Au total, ce sont pas moins de 34 000 femmes qui ont pu recourir à ce fonds, et poursuivre ainsi sur la voie de leur autonomisation. 

Parmi elle, Ghiwa Fares, du Liban. Cette toute jeune femme raconte comment la création de son entreprise lui a servi de « thérapie ». Sur fond de crise économique libanaise, se lancer dans la fabrication de savons artisanaux et naturels ne fut pas simple, mais grâce au fonds « Avec Elles » et avec l’aide d’une ONG locale, la réussite était au bout. Aujourd’hui, Ghiwa a le sourire, sa petite affaire marche bien, et elle compte même exporter ses produits hors des frontières libanaises. 

#SommetDjerba2022 « Créer mon entreprise a été comme une thérapie pour moi !» Ghiwa Fares, entrepreneure au Liban. @OIFrancophonie pic.twitter.com/3gYL8fjkgl— TERRIENNES (@TERRIENNESTV5) November 15, 2022

Femmes agricultrices de Madagascar

Parmi ces projets, celui mis en œuvre par l’ONG AMI MIARINTSOA vise à renforcer l’autonomisation économique et sociale de 225 femmes des 7 villages de la commune d’Ambatomirahavavy. Près de 60 hectares de terrain ont été restaurés et aménagés, dans une démarche inclusive, afin de permettre aux femmes des villages d’exercer une activité agricole durable. Ces dernières sont formées aux techniques agro-écologiques, dotées en équipement, en outillages et en intrants. La construction de pépinières et de puits dans chaque village permet aux bénéficiaires de pérenniser ces activités génératrices de revenus.

Des livrets d'information sur les violences de genre, mis au point par ECforme, une ONG malgache qui a pu bénéficier du programme de soutien de l'OIF "Avec Elles". 

Des livrets d’information sur les violences de genre, mis au point par ECforme, une ONG malgache qui a pu bénéficier du programme de soutien de l’OIF « Avec Elles ». 

©OIF/Ecforme

Autre projet retenu dans ce programme, celui de l’ONG ECFORME (Etudes, Conseils, Formation, Entreprenariat), dans la Communauté urbaine d’Antananarivo. Cette initiative vise, par le biais de formations, à renforcer les compétences des femmes bénéficiaires afin de favoriser leur insertion sur le marché du travail. En plus des formations techniques, ces dernières sont sensibilisées aux violences de genre, et accompagnées pour briser le cercle de la précarité et devenir des femmes leaders au sein de leurs communautés. 

Entretien avec Vanessa Lamothe

Ambassadrice Conseillère Stratégie et Instances au sein de l’Organisation internationale de la Francophonie (OIF), Vanessa Lamothe est experte sur les questions de genre. Nous l’avons rencontrée dans le cadre du XVIIIe sommet de l’OIF
au village de la francophonie à Djerba, en Tunisie. 

Terriennes : Des milliers de femmes ont pu bénéficier du programme « Francophonie Avec Elles », quel est son objectif ?  

Vanessa Lamothe 
: C’est un fonds qui a été créé en 2020 dans le contexte de la Covid, qui avait pour vocation d’aider les femmes en situation difficile et dont la précarité s’est aggravée avec la pandémie. Il permet aux femmes de se relever et de régler plusieurs situations : donner la possibilité de scolariser les enfants, s’autonomiser… Finalement, il permet aussi aux femmes de pérenniser leur situation quand elles  commencent à entreprendre et qu’elles ont besoin de visibilité pour travailler sur du long terme. 

C’est vrai que 1000 euros peuvent faire la différence pour ces femmes en situation difficile. Pour la secrétaire générale, il était important de pouvoir toucher ces femmes-là. Et c’est dans cette optique que ce fonds a été créé. 
Vanessa Lamothe, ambassadrice stratégie à l’OIF

Concrètement, ça se passe comment ? 

On est parti du constat que, souvent, pour aider les femmes en situation de vulnérabilité dans l’espace francophone, il ne fallait pas nécessairement beaucoup d’argent. Ce qui était important, c’était l’accès à ces femmes, s’assurer que celles qui vivent dans la plus grande précarité sont aussi celles auxquelles les grandes ONG n’ont pas accès. C’est tout l’intérêt de travailler avec de petites ONG locales qui ont une connaissance de ces femmes. C’est vrai que 1000 euros peuvent faire la différence pour ces femmes en situation difficile. Pour la secrétaire générale, il était important de pouvoir toucher ces femmes-là. Et c’est dans cette optique que ce fonds a été créé. 

#SommetDjerba2022 « Les femmes 1ères victimes de la crise pandémique devaient faire face à une précarité plus accrue, c’est ainsi que la secrétaire générale de @OIFrancophonie Louise Mushikiwabo a lancé le fonds Avec Elles dont les retours sont au delà des espérances » pic.twitter.com/K9AKkCgxnn— TERRIENNES (@TERRIENNESTV5) November 15, 2022

Ce fonds a deux ans, quel bilan dressez-vous ?

Un bilan très positif en réalité, c’est au-delà des espérances de la francophonie et de la secrétaire générale. On a touché plus de 34 000 femmes. C’est à la fois peu, parce que c’est vrai qu’il y a tellement de femmes à aider qu’on aimerait faire plus, mais les appels à projets sont plus importants, et plus nombreux. Les demandes de subvention augmentent, et l’on doit malheureusement faire des choix ; aujourd’hui, on est sur cinq millions d’euros pour les deux appels à projets précédents. Cela témoigne de la pertinence de ce fonds et de la nécessité de le maintenir.

Ce programme contribue aussi à la mise en oeuvre de la stratégie hommes-femmes de l’OIF en permettant de travailler sur l’autonomisation des femmes.
Vanessa Lamothe

Justement, prévu initialement pour quatre ans, va-t-il être prolongé ?

Tout à fait ! Ce fonds a été créé dans le contexte de la pandémie, avec pour but d’aider les femmes pendant cette période. Mais les crises frappent les femmes de tous les côtés et on ne sait pas si d’autres crises sanitaires ne vont pas pointer leur nez. De toute façon, on se rend compte que d’autres crises affectent les femmes francophones ; la secrétaire générale a donc décidé de pérenniser le fonds et d’en faire un programme phare de l’organisation. De plus, il contribue aussi à la mise en oeuvre de la stratégie hommes-femmes de l’OIF en permettant de travailler sur l’autonomisation des femmes. Nous venons justement de lancer le troisième appel à projets. Ce qui est certain, c’est que les femmes pourront bénéficier de ce programme encore plusieurs années. 

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Terriennes

Isabelle Mourge

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