Japon: la menace persistante des accidents nucléaires liés aux catastrophes naturelles
Au Japon, une question cruciale domine le débat actuellement : est-il raisonnable et responsable de multiplier les centrales nucléaires au Japon ? Près de 20% des séismes les plus violents qui secouent la planète se produisent dans ce pays situé au croisement de quatre plaques tectoniques.
De notre correspondant à Tokyo – RFI
Le lundi 11 mars 2024, tout le monde s’est posé la question quand on a commémoré la catastrophe de Fukushima, survenue en mars 2011. Car, depuis, on n’a pas avancé d’un iota dans le démantèlement de la centrale nucléaire. Elle contient toujours 880 tonnes de débris hautement radioactifs.
Seuls quelques grammes ont pu être extraits, puisque les radiations à l’intérieur des réacteurs sont telles qu’aucun humain ne peut y pénétrer. On doit donc utiliser des robots ou des drones, mais ils grillent après quelques minutes.
Ce démantèlement est si compliqué qu’il ne sera pas achevé avant, au plus tôt, 2051. Or, d’ici là, d’après tous les experts, un nouveau méga séisme suivi d’un tsunami de près de 30 mètres de haut pourraient très bien se produire à Fukushima. Le cas échéant, la vague balayerait comme un fétu de paille cette centrale si fragile et répandrait dans la nature tout son contenu si radioactif, ce qui rendrait la région inhabitable pendant des décennies. Donc, tant qu’elle n’a pas été démantelée, cette centrale délabrée est une bombe à retardement pour le pays.
Des séismes à foison
Le risque d’accident nucléaire provoqué par une catastrophe majeure ne pèse pas qu’à Fukushima. Toutes les régions du Japon sont concernées. C’est ce qu’on a encore constaté en janvier dans le Noto Hantô, précisément : une péninsule située sur la côte ouest.
Il y a deux mois, un millier de séismes s’y sont produits, et dans plusieurs centrales, des incidents ont été déplorés, qui n’étaient pas « anodins », comme ont dit les autorités. En plus, on s’est aperçu que les opérateurs de ces centrales avaient minimisé le risque sismique.
On s’est aussi rendu compte que la consigne donnée aux riverains en cas d’accident nucléaire ne tenait pas la route. Cette consigne, c’est : évacuer le plus vite et le plus loin possible si on habite dans un rayon de cinq kilomètres d’une centrale. Mais dans le Notô Hantô, le réseau routier a été si dévasté qu’il était impraticable : on ne pouvait plus circuler. Donc, si un accident nucléaire grave s’était produit, les populations n’auraient pas pu s’enfuir.
De ce fait, on envisage de modifier la consigne : au lieu d’évacuer, les riverains des centrales devraient se confiner chez eux pour se protéger de la radioactivité. Mais ce serait les condamner à mort s’il y a une alerte au tsunami. Bref, comment concilier nucléaire et risque de catastrophes ? Le Japon ne s’en sort pas.
Après Fukushima, le gouvernement s’était engagé à sortir du nucléaire d’ici à 2030, jugeant cette énergie trop dangereuse vu le risque sismique. Mais l’an dernier, il a changé d’avis et décidé de relancer le nucléaire. Le problème est que le Japon connaît une activité sismique très intense depuis le début de 2024.
Évidemment, cela effraie les Japonais, d’où la multiplication des recours en justice, introduits notamment par des riverains de centrales qui avaient été mises en veilleuse après Fukushima et que l’on s’apprête à redémarrer. Pour ces plaignants, en termes de sécurité, ce serait insensé.