37e sommet des chefs d’État de l’Union africaine (UA) – L’Afrique au défi de sortir de la crise de la dette

Invité à la tribune du 37e sommet des chefs d’État de l’Union africaine (UA), le président brésilien Luiz Inacio Lula da Silva a dénoncé, lors de la cérémonie d’ouverture du samedi 17 février, « les dettes injustes et impayables ». L’élu socialiste a rappelé, au passage, qu’une soixantaine de pays du globe, dont beaucoup sur le sol africain, sont au bord de la faillite. Sans épargner, dans son allocution très applaudie, « les institutions internationales, tels le FMI et la Banque mondiale, qui aggravent les crises qu’elles sont censées résoudre  ».

Les prêts contractés auprès de ces instances et des autres créanciers nationaux ou privés plombent sans cesse la croissance du continent, confronté en parallèle à de multiples obstacles à sa prospérité, avec en premier lieu les conflits rampants. « En 2022, plus de la moitié des pays à faible revenu en Afrique subsaharienne présentaient un risque de surendettement élevé ou étaient en situation de surendettement », confirme un rapport du FMI publié en septembre 2023. Les 55 États membres ont certes franchi une étape de taille l’an dernier en rejoignant le G20 ? devenant de fait le G21 ?, mais l’Afrique tarde à instaurer ses propres instances africaines.

Le président du Ghana inaugure l’Africa Club

« Un club d’emprunt africain est en cours de discussion afin de partager des informations entre États et d’apprendre les uns des autres. Ce dispositif peut être mis sur pied en quelques mois. Le deuxième objectif, qui consiste à négocier ensemble, prendra en revanche plus de temps », explique Mavis Owusu-Gyamfi, la vice-présidente du Centre africain pour la transformation économique, en marge du sommet de l’UA.

Le 17 février, les représentants africains ont effectué un nouveau pas dans cette direction en lançant l’Africa Club, sous l’égide du président ghanéen Nana Akufo-Addo. Il s’agit de rassembler, au sein d’une unique structure, les institutions financières déjà existantes ? la Banque africaine d’import-export (basée au Caire), la Banque de commerce et de développement (qui opère en Afrique orientale et australe), la Société financière africaine (dont le siège se trouve au Nigeria), la Société africaine de réassurance (également au Nigeria) et l’Assurance pour le développement du commerce et de l’investissement en Afrique (à Nairobi).

Rapatrier les réserves financières

Nana Akufo-Addo a en outre incité ses homologues à ratifier les statuts des instances financières panafricaines à même d’assurer un véritable poids financier au continent, alors que ce processus traîne depuis des années. « Plusieurs facteurs bloquent, dont le manque de volonté politique pour accélérer la signature et la ratification des différents protocoles portant sur la création de ces institutions. Mais aussi les crises récurrentes qui limitent les capacités des États à remplir leurs obligations au titre des parts devant être souscrites. Les différents instruments légaux et mécanismes doivent par ailleurs être mis à jour pour s’adapter aux conditions économiques contemporaines », énumère Patrick Ndzana-Olomo, représentant du département économique de la Commission de l’UA.

Le Ghanéen Nana Akufo-Addo regrette surtout qu’« en l’état actuel des choses pratiquement tous [leurs] pays détiennent des réserves dans des banques étrangères, avec des taux d’intérêt négatifs ». « Nous devrions décider qu’un minimum de 30 % de nos réserves souveraines soit investi dans les institutions multilatérales africaines afin de faciliter l’obtention de ressources de plus en plus importantes pour notre développement. »

La veille, dans le cadre d’une conférence de presse consacrée à la dette, d’autres pistes ont été avancées. Il faut, selon Jason Braganza, le directeur de l’ONG panafricaine Afrodad, tourner le dos aux « pièges structurels » qui maintiennent l’Afrique dans la position d’un « exportateur de matières premières et importateur de biens transformés ». Son copanéliste, Patrick Ndzana-Olomo, de la Commission de l’UA, insiste, lui, sur le rôle de l’éducation aux sciences et technologies tandis que la démographie du continent s’apprête à dépasser celle de la Chine et de l’Inde réunies à l’horizon 2050. « Les statistiques nous montrent qu’en investissant stratégiquement dans ces domaines aujourd’hui nous parviendrons à accélérer le PIB de l’Afrique de 20 fois pendant cette même période », affirme l’économiste.

Une exhortation à mettre en ?uvre les protocoles déjà adoptés

Le réchauffement climatique ne doit pas non plus être vécu comme une fatalité. « Il faut transformer la taxe sur les transactions financières en un mécanisme d’aide en établissant le fonds ?pertes et de dommages? », conseille Hannah Rider. La directrice de l’agence de consulting panafricaine Development Reimagined fait référence à une mesure adoptée lors de la COP27 de Charm el-Cheikh. Toujours pendant la conférence de presse, organisée dans un hôtel de la capitale éthiopienne, Mavis Owusu-Gyamfi, la vice-présidente du Centre africain pour la transformation économique, a interpellé les ministres africains des Finances : « Cessez de ratifier des protocoles que vous n’appliquez pas ! S’il vous plaît, mettez en ?uvre les protocoles que vous avez signés pour que nous puissions enfin commencer à transformer ces économies. »

Ce conseil fait écho au discours prononcé le lendemain par Moussa Faki, le président de la Commission de l’UA, dénonçant « la tendance effrénée de prendre des décisions sans volonté politique réelle de les appliquer. [?] À titre d’illustration, sur les trois dernières années 2021, 2022 et 2023, 93 % des décisions n’ont pas été mises en ?uvre ».

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