Niger, le Mali et le Burkina Faso maintiendront-ils leur croissance, loin de la Cedeao ?

Sur le papier, et avant leur sécession de l’organisation régionale, ces trois pays ébranlés par des coups d’État disposent d’économies aux perspectives de croissance supérieures à la moyenne régionale.

Le 28 janvier, le Burkina Faso, le Mali et le Niger ont annoncé leur retrait de la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (Cedeao). En claquant la porte de cette organisation régionale – leurs départs seront effectifs en janvier 2025 –, ces trois pays, réunis sous l’Alliance des États du Sahel (AES), tirent un trait sur l’abattement des barrières tarifaires, sur les avancées progressives de la Zone de libre-échange continental africain (Zlecaf) et sur le Tarif extérieur commun (TEC) mis en place en 2015. Une situation qui pourrait remodeler leurs économies, lesquelles ont pourtant terminé 2023 sur des notes de croissance solide.

D’après les dernières estimations du Fonds monétaire international (FMI) tirées de son rapport « Perspectives économiques mondiales » publié en octobre 2023 et remis à jour en janvier 2024, le trio a même surpassé la croissance moyenne de l’Afrique subsaharienne, qui s’est établie à 3,3 % au titre de 2023.

Et ce malgré les sanctions qui leur ont été imposées par la Cedeao, notamment au Niger. Selon le Fonds, cette performance est imputable à des choix stratégiques dans plusieurs secteurs de l’économie.

  • Le Niger relancé par les hydrocarbures

Malgré un contexte de fluctuations économiques, le Niger se dirige vers une reprise notable de son économie, avec une croissance prévue à 11,1 % en 2024, selon les estimations du FMI. Une performance qui succède à un ralentissement de la croissance à 4,1 % en 2023, contrastant avec les 11,9 % de 2022.

Cette projection du Fonds est largement soutenue par la mise en service, depuis le 1er novembre 2023, du pipeline reliant les champs pétrolifères du Sud-Est du Niger au port de Sèmè au Bénin. S’étendant sur 2 000 km, cette infrastructure qui a coûté plus 6 milliards de dollars vise à faciliter l’exportation de pétrole vers le marché international. Cotonou s’est par ailleurs abstenu d’appliquer des sanctions économiques qui pénaliseraient également son économie.

D’après les chiffres officiels, la capacité d’exportation est actuellement estimée à 90 000 barils par jour (bpj) sur une production totale de 110 000 bpj, avec un objectif de production de 200 000 bpj d’ici à 2026. Ce projet a le potentiel de contribuer à la moitié des recettes fiscales nationales, à en croire les autorités du pays. Déjà, en 2022, elles projetaient que ces exportations pourraient représenter un quart du PIB national, estimé à plus de 13,6 milliards de dollars par la Banque mondiale en 2020.

Ainsi, l’augmentation significative des revenus issus de ce projet offre une solution pour compenser la réduction de l’aide financière provenant de partenaires occidentaux. Cet apport étant perçu par le pouvoir en place comme un levier clé pour le renforcement et la diversification de l’économie nigérienne. « Les ressources issues de l’exploitation […] seront destinées exclusivement à assurer la souveraineté et le développement de notre pays sur la base d’un partage équitable aux populations », avait déclaré le Premier ministre nigérien, Ali Mahaman Lamine Zeine, lors de la cérémonie de mise en service.

  • Le Mali soutenu par ses mines

Au Mali, l’économie, qui a connu une croissance de 4,5 % en 2023, devrait maintenir ce cap, avec un indice de 4,8 % attendu cette année par le FMI. Cette légère progression s’appuie sur la vitalité de secteurs clés tels que l’agriculture vivrière, les télécommunications, mais surtout sur les mines.

Cette industrie bénéficie de nouvelles réglementations favorables liées à l’introduction d’un nouveau code minier, qui, comme souligné par Bamako, est conçu pour « augmenter les retombées économiques nationales, favoriser un développement local plus inclusif et consolider la souveraineté du Mali sur ses ressources naturelles ».

Dans ce cadre, l’État peut désormais acquérir jusqu’à 30 % de parts dans les nouveaux projets miniers. À ce titre, les autorités maliennes escomptent une augmentation des revenus tirés des mines de 500 milliards de F CFA (environ 762 millions euros) par an.

Avec plus de 101 tonnes d’or extraites en 2022, selon les données du World Gold Council, le Mali est le deuxième plus gros producteur d’or du continent derrière le Ghana (127 tonnes). Lamine Seydou Traoré, le prédécesseur d’Amadou Keita au ministère des Mines, avait rappelé en mars 2023 que l’or représente 25 % du budget national, 75 % des revenus issus de l’exportation, et contribue à hauteur de 10 % au PIB du pays. Le Mali dispose par ailleurs d’autres minerais et métaux encore sous-exploités, comme le fer, le manganèse et le lithium.

  • Le Burkina Faso résilient grâce à l’agriculture

Malgré la crise sécuritaire persistante dans la région, le Burkina Faso fait preuve de résilience économique. Avec une estimation de croissance du PIB à 4,4 % en 2023, contre 1,5 % en 2022, le pays est censé continuer sur sa lancée pour atteindre 6,4 % en 2024, toujours selon les projections du FMI. Une performance qui s’explique notamment par le développement du secteur agricole, qui représente 20 % du PIB et qui emploie 60 % de la population, d’après les données de la Banque mondiale.

Depuis mai 2023, l’État burkinabè, dirigé par le président de la transition Ibrahim Traoré, multiplie les initiatives de soutien au secteur. Un programme de 500 milliards de F CFA a ainsi été annoncé pour le développement de huit filières stratégiques, accompagné d’une enveloppe de 200 milliards de F CFA pour combattre l’insécurité alimentaire et d’un plan de 22 milliards pour la mise en culture de 11 000 hectares, avec une production visant près de 200 000 tonnes de céréales.

JEUNE AFRIQUE

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