Conséquences de l’érosion côtière : Kafountine avalée par la mer

Par Khady SONKO – A Kafountine, l’érosion côtière est une terrible réalité. La mer avance lentement mais résolument, avalant sur son chemin des biens matériels et immatériels. Sinistrés et autorités locales craignent le pire et demandent de l’aide à travers des actions urgentes pour sauver Kafountine. Au de-là de l’Etat central, le maire appelle la Communauté internationale, les droits-de-l’hommiste, la Cedeao à intervenir. Une visite guidée par le maire et les sinistrés a permis de constater les dégâts à Kafountine.

Les vagues de la mer déferlent sans arrêt sur le rivage, à quelques mètres des infrastructures commerciales, de culte ou des habitations à Kafountine. Il y a une semaine de cela, la zone limite entre la terre ferme et la mer a été dépassée par une houle, atteignant des lieux de culte, campements, quai, station et autres commerces. Les usagers encore traumatisés, font état d’un bilan lourd de dégâts. «La station était là, la pompe d’essence était à ce niveau. Les pirogues accostaient et on leur vendait de l’essence, et elles repartaient. L’eau avançait petit à petit. Mais quand il y a eu la houle, elle a creusé le sol et une partie de la station est détruite», explique Galo Bakhoum. Selon ce tenancier d’une petite cantine, à côté de la station dont il ne reste que quelques murs, des sacs remplis de sable avaient été disposés pour empêcher ce qui s’est finalement produit.


La station qui ravitaillait les pêcheurs en essence ou gasoil est transférée. L’accès au nouvel emplacement étant compliqué pour les pêcheurs, le chiffre d’affaires du propriétaire a chuté. «L’eau remonte d’une façon inimaginable, prenant tout. On a besoin d’aide, car ici, c’est notre lieu de travail, nous survivons grâce à ça. Sinon cela ne fera qu’accentuer le phénomène de l’émigration clandestine. Les pertes en matériels sont énormes, sans compter les jours de chômage technique», implore l’homme d’une quarantaine d’années. Le magasin de garde des moteurs de pirogue, la mosquée… tout est endommagé.

Les grands pas de la mer
Des années 1980 à ce jour, les pertes dues à l’avancée de la mer sont énormes. «Nos cantines étaient là où les pirogues flottent actuellement. Là où nous sommes actuellement, c’était un domicile, c’étaient des habitations qui étaient loin du quai des années 83. Mais la mer a avancé, le quai de l’époque a disparu, et aujourd’hui ce sont les habitations qui disparaissent», témoigne Saliou Boye. D’après ce pêcheur de Kafountine, originaire de Saint-Louis, la menace est devenue une réalité les deux dernières années, et un cauchemar les deux derniers mois. «Les dégâts sont démesurés. Quand les houles viennent, elles détruisent les pirogues, moteurs et les installations sur la plage. Même si la météo déclare un mauvais temps, nous sommes obligés de laisser les pirogues dans l’eau, car nous n’avons plus où les accoster, il n’y a plus de plage, pas de quai de pêche, pas d’espace pour sécuriser les pirogues», atteste M. Boye, qui s’active dans la pêche depuis 1983. Lui et les mareyeurs sont confrontés à des difficultés pour débarquer le poisson à cause de la disparition du quai de pêche. En effet, l’océan, déjà moins poissonneux, a pris ici le dessus sur le continent. Pourtant, il va falloir débarquer les captures de poissons avant tout autre chose. «On peut arriver ici à 8 heures et être obligés d’attendre la marée basse pour pouvoir débarquer la production. Cela peut faire cinq à six heures d’attente juste pour pouvoir débarquer le poisson», fait-il savoir.

Appel au secours
Le phénomène de l’érosion côtière dépasse les compétences locales. Les usagers et acteurs ne parviennent plus seuls à contrer la furie des vagues. «Il y a 20 ans derrière, l’eau était à 200 mètres d’ici», affirme Boubacar Diaban. Le quai de pêche de Kafountine dont il est le président, est un quai sous-régional où travaillent des milliers de personnes de diverses nationalités. Si certaines infrastructures sont menacées, d’autres sont déjà dans l’eau, notamment l’espace de débarquement du poisson. Les dégâts, c’est aussi la disparition des usines, des stations, lieux de culte, des commerces implantés dans les environs de la plage. Le quai de pêche lui-même est en train de disparaître. La commune est connue pour ses sites touristiques, mais c’est la pêche qui fonde son économie.
Ce quai de dimension sous-régionale participe à la croissance de l’économie nationale. Mais il ne bénéficie que de l’aide de la mairie, selon les usagers. «Il est temps que notre ministère de tutelle intervienne. A la limite, c’est un manque de considération, car les autorités ne viennent pas nous encourager et compatir. Pourtant, nous payons les redevances. Si cela continue à ce rythme, dans deux ans, ce sera fini pour ce quai, il n’y aura plus rien ici. Kafountine a besoin d’urgence d’un brise-lames. Venez nous sauver, c’est urgent», appelle Alphoussény Sagna, président des mare­yeurs.

Karone menacé
Depuis la nuit du vendredi 12 janvier, Kafountine vit une dynamique de la houle qui est en train de faire des ravages à ce niveau du littoral. Le maire avait attiré l’attention, alerté et demandé des secours. Son inquiétude est d’autant plus grande que «l’unique bande de sable est prise en étau entre l’Océan atlantique et le fleuve». La bande de sable en question relie Kafountine aux îles Karone. «Il n’y a plus de routes qui relient l’hôtel Karone et les infrastructures hôtelières au reste de Kafountine», regrette David Diatta. Il dé­veloppe : «Kafountine, qui était à 14 îles, est maintenant à 15 îles parce que la partie qui relie les îles est coupée et c’est maintenant devenu une île où il y a une forte économie avec des infrastructures hôtelières. Du coup, l’insécurité sanitaire menace cette nouvelle île. S’il y a une évacuation urgente à faire, personne ne peut l’assurer. Il faut attendre la marée basse pour atteindre l’autre partie de Kafountine. D’où l’urgence des actions, notamment aménager une voie qui va relier Kafountine au reste des infrastructures hôtelières. Il est aussi nécessaire de mettre en place des infrastructures de protection du littoral. Nous avons frôlé le pire la semaine dernière, on n’a pas encore enregistré des pertes en vies humaines, mais la mer avance tellement que nous avons des craintes.»


A en croire le maire de la commune de Kafountine, cette bande de sable joue un rôle économique, écologique, culturel et cultuel très important. Il attire l’attention de l’Etat central pour qu’il vienne d’urgence sauver Kafountine qui est en péril.
C’est le quai de pêche qui est en train de disparaitre, mais si rien n’est fait, d’autres infrastructures suivront. «Ce n’est plus une menace, mais une réalité. La plus grande usine de poisson, qui recrute plus de 150 personnes, va très bientôt fermer parce qu’elle est fortement atteinte. Un risque est là en permanence avec les poteaux électriques, les tuyaux déterrés. Le site de pèlerinage de El Hadj Omar Foutiyou Tall ainsi que le cimetière sont atteints», indique l’élu local. D‘une superficie de 13 hectares, les 3 hectares du quai sont dans l’eau.


Aujourd’hui, les pirogues occupent plus d’un kilomètre du domaine touristique. Ce qui est à l’origine, selon le maire, d’un conflit ouvert entre les acteurs du tourisme et ceux de la pêche. Le quai abrite plus de 10 mille pêcheurs, avec mille et une pirogues. Les productions de 2023 font 560 tonnes, avec une valeur commerciale de 23 milliards 860 millions de francs Cfa. Avec la disparition du quai, c’est l’économie qui est touchée, sans omettre les dégâts collatéraux. Selon la Cdn, si rien n’est fait, d’ici 50 ans, les îles vont disparaitre. Celles de Kafountine sont en cours de disparition.

Mesures d’urgence recommandées


Le maire interpelle les défenseurs des droits de l’Homme, la Société civile, les autorités centrales de l’Etat et la Communauté internationale pour venir sauver Kafountine avant que l’irréparable ne se produise.

[email protected]

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *