Espionnage et piratage informatique au Qatar: nouvelles révélations et réputation bien entachée
À deux semaines du coup d’envoi de la Coupe du Monde de Football 2022, le Qatar fait face à une nouvelle polémique. Des médias britanniques affirment que le pays du Golfe est à l’origine d’une opération d’espionnage et de piratage informatique visant des dizaines de personnalités et des journalistes.
Des pirates informatiques indiens à la manœuvre, un enquêteur privé basé en Suisse dans le rôle de l’intermédiaire et un pays du Golfe, le Qatar en commanditaire désigné. Cette histoire publiée par le Sunday Times semble tirée d’un roman de John Le Carré, version 2.0.
Une histoire, ou plutôt, une enquête conduite avec l’ONG, TBIJ, The Bureau of Investigative Journalism, à partir de documents et de données confidentiels récupérées cette année.
Journalistes, politiciens et détracteurs de la Coupe du monde au Qatar dans l’œil du viseur
Les deux médias britanniques avancent que le Qatar serait à l’origine d’une opération d’espionnage informatique visant plusieurs dizaines de personnes à travers le monde, parmi lesquels des journalistes d’investigation, des dirigeants politiques, des avocats et des personnalités du monde sportif.
Un point commun entre elles : elles sont liées à l’attribution controversée du Mondial 2022 au Qatar ou bien se sont montrées critiques à l’égard du pays hôte du tournoi. On y trouve les journalistes du Sunday Times, Jonathan Calvert et de Mediapart, Yann Philippin, qui ont tous deux enquêté sur les manœuvres de corruption supposées qui ont amené la FIFA à choisir le Qatar pour organiser le prochain Mondial, l’avocat américano-hongrois Mark Somos, qui a déposé plainte contre la famille régnante du Qatar devant le Haut Conseil des Nations Unies pour les droits de l’Homme ou la sénatrice française, Nathalie Goulet qui a accusé le Qatar de financer « le terrorisme islamique », et puis, l’ancien président du foot européen, à la tête de l’UEFA, Michel Platini, qui a pourtant soutenu la candidature du Qatar, visé par un piratage en mai 2019, soit un mois à peine avant son audition comme suspect dans le volet français de l’enquête pour corruption dans l’attribution de ce Mondial. Les autorités qatariennes voulaient-elles savoir ce que Platini allait dire aux enquêteurs ? C’est ce que suggèrent les deux médias britanniques.
Des hackers indiens embauchés pour obtenir des informations
Les deux médias, sur la base des documents confidentiels qu’ils se sont procurés, accusent nommément plusieurs protagonistes. À commencer par Aditya Jain, un Indien de 31 ans, créateur de plusieurs sociétés dont WhiteInt Consulting, spécialisée selon eux dans la fourniture de piratage informatique. Pendant sept ans, Jain aurait opéré dans un réseau de hackers dont la spécialité serait le phishing (hameçonnage en français). La technique, bien connue, consiste à envoyer de faux courriers électroniques à des individus afin d’infecter leurs machines ou de les inciter à donner leurs mots de passe pour accéder ainsi à leurs messageries.
Le plus gros client de Jain, disent le Sunday Times et TBIJ, s’appelle Jonas Rey, enquêteur privé travaillant pour la société suisse d’intelligence économique, Diligence Global Compagny, qui aurait été engagée en 2019 pour travailler sur un projet lié à la Coupe du Monde. Des documents juridiques l’attesteraient et Aditya Jain aurait lui-même reconnu, devant deux journalistes infiltrés du Sunday Times, avoir obtenu « les données de personnes de haut niveau en relation avec la FIFA ». Et ce, à la demande de Rey dont le client était « un pays du Golfe ».
Jonas Rey dément les accusations portées contre lui, les autorités qatariennes également, évoquant l’absence de preuves que le Qatar était le client final de l’opération. Mais du côté de ceux qui ont été effectivement piratés ou que l’on a tenté de pirater, il y a des réactions. Michel Platini se dit profondément choqué par ce qui apparaît être « une violation manifeste et crapuleuse de sa vie privée », et le média d’investigation Mediapart compte saisir de nouveau la justice, après le classement sans suite d’une première plainte en décembre 2021.
Avec AFP.