Promotion de la bonne gouvernance et de l’Etat de droit : l’administration en souffrance

Jadis réputée pour ses fonctionnaires discrets, rigoureux, très compétents dans le travail et totalement dévoués au bon fonctionnement du service public, l’administration publique sénégalaise est aujourd’hui dans le creux de la vague à cause d’une partialité de plus en plus flagrante à la solde du régime en place. Sa politisation outrancière biaise  son mode de fonctionnement et les critères de recrutement et de promotion des fonctionnaires. Un phénomène qui s’est exacerbé  à partir de l’année 2000 coïncidant avec l’avènement d’un régime libéral au pouvoir faisant fi du processus décisionnel rationnel pour déboucher sur un système d’improvisation, de tâtonnement et d’amateurisme aussi bien dans la nomination de ses cadres que dans la conduite des politiques publiques.

Prévue dans moins de trois mois, la prochaine élection présidentielle du 25 février aura également parmi un des enjeux la question de la réforme de l’administration publique sénégalaise. Principal pilier de l’Etat, autrefois réputée pour ses fonctionnaires discrets, rigoureux et très compétents dans le travail mais aussi totalement dévoués au bon fonctionnement du service public au point d’être sollicités un peu partout en Afrique, cette image de l’administration publique sénégalaise a beaucoup régressé ces dernières années. Des phénomènes de déballages des secrets administratifs et autres diffusions sur la place publique des documents estampillés confidentiels et/ou secrets qui étaient jusqu’ici inimaginables sont devenus monnaies courantes. A cela, il faut également ajouter le comportement de certains hauts cadres de l’administration qui, pour plaire au régime, n’hésitent plus à s’asseoir sur les lois pour satisfaire les desiderata du Prince.

Il faut dire que c’est depuis l’immixtion de la politique partisane dans son mode de fonctionnement avec la politisation des critères de recrutement et de promotion de ses fonctionnaires constatée à l’entame de l’année 2000 que ces écarts dans l’administration publique sénégalaise se manifestent de plus en plus au point de plomber le processus décisionnel rationnel.

Avec l’avènement de l’alternance politique en 2000 à la tête du pouvoir exécutif qui a consacré l’élection du leader du Parti démocratique sénégalais (Pds), Me Abdoulaye Wade, les critères d’entrée dans l’administration publique ont été désacralisés. A côté des compétences techniques et intellectuelles qui servaient jusqu’ici de baromètre à l’entrée dans l’administration publique, l’appartenance politique au parti libéral au pouvoir ou ses alliés de la Cap21 était devenue ou presque un visa.

Conséquence de cette situation, l’Administration voire l’Etat entier est plongé dans un système d’improvisation, de tâtonnement et d’amateurisme aussi bien dans la nomination des cadres que dans la conduite des politiques publiques. Le quitus du Bureau d’organisation et méthodes (Bom) n’est plus requis avant la nomination dans certaines hautes fonctions de l’administration publique comme les ministères, directions générales… Ainsi, se rappelle-t-on du limogeage de Marie Louise Tissa Mbengue 48 heures après sa nomination par le Président Wade dans son premier gouvernement, aux fonctions de ministre délégué chargé de l’Enseignement technique et de la formation professionnelle alors qu’elle n’avait pas le profil de l’emploi. Toujours dans ce registre de nomination des personnalités qui n’ont pas le profil sous le magistère du président Wade, nous pouvons également citer celle de Babacar Gaye, comme Directeur de cabinet du chef de l’Etat en 2007, alors qu’il n’était pas un fonctionnaire de la hiérarchie A ou titulaire d’un Bac + 4.

A ces cas d’improvisations constatés dans le système de recrutement des fonctionnaires, il faut également ajouter, les transgressions des règles républicaines impliquant directement l’ancien chef de l’Etat ou les membres de son gouvernement, notamment dans « l’affaire  Alex Ségura »* (dire ce que c‘est) ,  mais aussi l’utilisation des ressources financières publiques pour le financement des activités politiques. Dans son rapport de 2012, la Cour des comptes avait ainsi relevé l’utilisation de 12,8 millions de Cfa des fonds de la Société des Infrastructures et de Réparation Navale (Sirn) par son président du Conseil d’administration (Pca) d’alors pour financer ses activités politiques. Sous le magistère de l’actuel chef de l’Etat, la plupart de ces pratiques aux antipodes des règles républicaines  sont accentuées voire érigées en règle. La preuve, après Babacar Gaye, l’actuel chef de l’Etat, Macky Sall, a lui-aussi forcé la nomination de Mahmoud Saleh comme Directeur de cabinet du chef de l’Etat alors qu’il ne remplissait pas les conditions puisque n’étant pas un fonctionnaire de la hiérarchie A ou titulaire d’un Bac + 4. A cela, il faut également relever les atteintes à l’image du président de la République par les nombreux cas de sorties de l’actuel chef de l’Etat allant même jusqu’à se faire photographier avec des individus très connus pour leur langage vulgaire sur le net. La promotion dans l’administration des personnalités impliquées dans des scandales financiers relevés dans certains rapports de corps de contrôles publics : l’Ofnac sur l’affaire des 94 milliards, Coud ou encore de la Cour des comptes sur le Covid-19 mais aussi la position controversée de certains «commis» de l’Administration qui sont enclins à défendre les intérêts du régime en place. C’est dire que l’administration sénégalaise bat de l’aile.

Nando Cabral GOMIS

SUDQUOTIDIEN

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