Sans horizon au Sénégal, les candidats à l’émigration clandestine prennent tous les risques
Depuis septembre 2023, au péril de leur vie, des dizaines de milliers de personnes se sont engagées sur des embarcations de fortune pour rallier l’Europe, via notamment la route des Canaries.
Les Sénégalais sont avec les Marocains les plus nombreux parmi les nouveaux arrivants, selon Frontex et plusieurs ONG espagnoles. Une situation de désespérance, qui interpelle, au Sénégal, notamment quant au profil de ces candidats à l’exil.
« Des mesures sécuritaires, économiques, financières et sociales d’urgence afin de neutraliser les départs d’émigrants à partir du territoire national », voilà le libellé au Sénégal, d’un communiqué publié après le Conseil des ministres, le 8 novembre 2023.
L’effort devra associer les ministres de l’Intérieur, des Armées, de la Jeunesse ou encore de la Pêche, selon ce même communiqué officiel.
À l’approche de la Présidentielle, (NDLR : le 25 février 2024) le président sénégalais, Macky Sall, qui ne se représentera pas, annonce donc qu’il veut endiguer le flux en pleine expansion des départs de migrants, qui prennent les pirogues pour gagner l’Europe.
Un défi de taille. Le Sénégal c’est environ 700 km de côtes à surveiller.
De plus en plus de gens qui partent à l’aventure alors qu’ils ont une entreprise qui marche. Des gens qui ont un salaire…
Face à ce flot de départs de pirogues à destination des Canaries, il y a bien eu des sauvetages dans l’Atlantique, au large du Sénégal ou dans les eaux territoriales espagnoles. Mais elles n’ont pas empêché une série de drames recensés ces dernières semaines.
D’après les derniers chiffres du ministère espagnol de l’Intérieur, l’archipel espagnol a vu arriver 30.705 migrants entre le 1er janvier et le 31 octobre, soit plus du double du chiffre enregistré sur la même période de 2022.
Au tout début de ce mois de novembre 2023, quatre migrants sont par exemple, décédés parmi un groupe de plus de 700 personnes secourues au large de l’île espagnole d’El Hierro, dans les Canaries. Elles avaient pris place à bord de quatre embarcations.
Une jeunesse sans cap, sans horizon ?
Les autorités sénégalaises le reconnaissent. Ces milliers de migrants quittant le Sénégal n’ont pas tous le profil de défavorisés. « Ce qu’il y a de nouveau c’est le profil des migrants. Nous voyons de plus en plus de gens qui partent à l’aventure alors qu’ils ont une entreprise qui marche. Des gens qui ont un salaire, » rappelait, ce samedi 11 novembre 2023, sur TV5MONDE Abdou Karim Fofana, le ministre sénégalais du Commerce et porte-parole du gouvernement.
Alioune Tine, fondateur du think tank d’Afrikajom Center, un laboratoire d’idées qui travaille à une société civile plus équitable, dit sensiblement la même chose. « La plupart des gens qui prennent la mer ce sont des pêcheurs ou des familles de pêcheurs », nous dit-il. Et d’ajouter : » Mais vous avez de tout.
Des étudiants, des commerçants, des gens qui vendent leur boutique, leur commerce. Ça a dépassé le stade de la migration. C’est un véritable exode vers l’Europe et vers les États-Unis. » Selon la destination, le prix de l’exode serait au minimum de 400.000 FCFA (soit 610 euros environ) pour aller en pirogue en Europe et de plusieurs millions de FCFA, pour un voyage en avion pour le Nicaragua, première étape vers les États-Unis.
La pêche ne rapporte plus aux locaux.
Le gouvernement lui, explique le problème de cet exode en pointant du doigt, les journalistes, les réseaux sociaux ou les plateformes de streaming qui vanteraient l’idée « qu’il faut être en Europe, il faut être aux États-Unis, pour montrer une certaine réussite.
Les médias internationaux nous montrent peut-être un eldorado rêvé, » dixit Abdou Karim Fofana, le porte-parole du gouvernement sénégalais. Il martèle aussi, que « le déterminant du voyage n’est pas seulement économique. »Les pêcheurs sont venus me dire qu’aujourd’hui la ressource est rare et que des navires étrangers