A Papitot et à tous les naufragés de ce pays
C’est terrible ce qui se passe dans une indifférence généralisée dans ce pays situé à la pointe occidentale du continent. Pendant que le Chef inaugure et que son candidat est en précampagne, dansant avec des militants, un drame se joue sous leurs yeux sans que cela les contrarie. Ce qui aurait pu leur ôter le sourire semble au contraire les transporter de béatitude.
Ils sont en campagne et leurs gens dans une compétition de celui qui aura le plus grand nombre de parrainages. Des documents qu’ils présentent à travers un grand tapage médiatique sans aucune pudeur. Le drame de ces milliers de jeunes qui fuient le pays par airs et mers doit interpeller nos consciences. Ces migrants qui fuient notre pays par milliers sont de toutes les catégories socio-professionnelles dont des étudiants. Hier, trois pensionnaires de l’université Cheikh Anta Diop de Dakar un établissement dont les portes sont fermées depuis quatre mois ont péri en mer. Il est arrivé un moment où se taire, c’est être complice d’un crime. Ces jeunes fuient un pays où ils se disent persécutés et où leur existence est hypothéquée. La seule alternative qui s’offre à eux, c’est le chômage ou la prison. Ils fuient par milliers, vidant des zones côtières de leurs populations ou rendant des familles orphelines.
A l’image de la demoiselle Falla Fleur, ils sont des centaines de jeunes en prison pour des légèretés. La « Une » d’un journal, détournée, un « emoji », un post partagé, un commentaire jugé subversif. Autant dire tous en prison pour leurs opinions qui ne plaisent pas au pouvoir. Mais leur plus grand crime, c’est surtout d’être sympathisants ou militants du parti Pastef.
Hier, les Sénégalais ont été affectés, que dis-je accablés, par la mort du jeune Papitot Kara. Une histoire qui vous fend le cœur et montre combien un pouvoir, peu inspiré mais animé d’un esprit de vengeance, peut broyer sa jeunesse. C’est la vie d’un jeune qui aimait les réseaux sociaux où, dans la bonne humeur, il faisait des satires ou parodies de revue de presse. Il faisait partie d’une bande de joyeux drilles qui s’ennuyaient dans un pays où trouver un travail constitue le parcours du combattant. Ils ont donc eu l’idée de « détourner » des unes de journaux. Rien de bien méchant ailleurs mais un « crime » aux yeux de nos policiers, gendarmes et juges.
Papitot a été ainsi emprisonné pendant six mois (eh oui, juste pour ce motif bénin !) avant de bénéficier d’une liberté provisoire. Face à une telle injustice et surtout que sa liberté était aléatoire, il s’est embarqué pour l’Espagne. Dans la pirogue de fortune qui devait les transporter vers l’eldorado, sa courte vie s’est arrêtée avec celle de cinq autres migrants. La seule chose que son Etat a faite pour lui de son vivant, ça a été de le jeter en prison ! Par dizaines, des jeunes gens et filles meurent bêtement face au silence méprisant d’un Etat dont le PM a déserté son cabinet depuis deux semaines pour une tournée dite économique dans des zones où, justement, l’économie est inexistante.
Le Témoin