Législatives en Pologne: l’extrême droite se rêve en faiseuse de roi

Troisième force politique dans les sondages il y a encore quelques semaines, la formation ultranationaliste Konfederacja (Confédération) est en perte de vitesse à l’approche des législatives du 15 octobre en Pologne. Mais elle croit toujours en ses chances de chambouler l’échiquier politique.

De notre envoyé spécial à Varsovie,

Celui qui s’attendait à une ambiance survoltée en pénétrant dans le siège de Confédération en sera pour ses frais. À cinq jours des élections législatives, le calme le plus total règne au dernier étage de l’immeuble du centre de Varsovie où la formation d’extrême droite a établi ses quartiers. À l’accueil, deux employés consultent en silence leur écran d’ordinateur, tandis que dans une pièce voisine, une jeune femme pianote tranquillement sur celui de son portable. Une atmosphère bien sage qui tranche avec celle des meetings aux allures de one-man-show, où le parti électrise ses sympathisants à grand renfort d’effets pyrotechniques et de hard-rock.

« C’est parce que tout se passe sur le terrain maintenant », justifie Marek Szewczyk, candidat dans la région de Sieradz. Donnée à 15% dans les sondages il y a encore quelques semaines, la formation ultranationaliste tourne désormais autour des 9%, juste derrière les centristes de Troisième voie et la Nouvelle gauche. Mais rien n’est encore joué. Alors ses deux dirigeants ont prévu de sillonner le pays, l’un à bord d’un « camion de la liberté », l’autre en hélicoptère, pour mobiliser les indécis. « Nous pouvons décrocher la troisième place, nous pouvons être les faiseurs de roi », veut croire Marek Szewczyk. 

Lifting

Jeune, avenant, le candidat incarne le nouveau visage de cette formation née en 2019 du mariage de trois partis : les libéraux conservateurs de KORWiN (rebaptisé Nouvel espoir) ; les ultranationalistes du Mouvement national ; et les ultraconservateurs de la Confédération de la couronne. Dirigés par des vieux routiers de la scène politique, les trois mouvements partagent les mêmes positions ultraconservatrices, eurosceptiques, xénophobes et ultralibérales sur le plan économique. La greffe prend aussitôt. Confédération récolte 6,8% des voix aux législatives et envoie onze députés à la Diète.

Elle s’est offert un lifting en février dernier en plaçant à sa tête deux trentenaires à l’allure proprette : Slawomir Mentzen et Krzystztof Bosak. Le premier, titulaire d’un doctorat en économie, dirige son propre cabinet de conseil en fiscalité et possède une brasserie artisanale. Le second, issu d’un mouvement de jeunes nationalistes et député dès l’âge de 23 ans, est un pur politique.

Les visages ont changé, pas les idées. La formation continue de défendre l’interdiction de l’IVG, s’oppose au mariage homosexuel, et prône le rétablissement de la peine de mort. Mais elle s’emploie à masquer ces positions clivantes derrière un slogan consensuel – « une maison, une pelouse, un barbecue, deux voitures, des vacances » – qui ferait presque oublier un discours prononcé en mars 2019 par Slawomir Mentzen dans lequel il disait ne pas vouloir de « juifs, d’homosexuels, d’avortement, d’impôts et d’Union européenne ». 

Alors que la Pologne est confrontée à une inflation galopante, Confédération met désormais l’accent sur les questions économiques. Elle souhaite supprimer quinze taxes, n’appliquer l’impôt sur le revenu qu’à partir de douze fois le salaire minimum, mettre fin aux treizième et quatorzième mois de retraite, rendre au pays sa souveraineté énergétique en encourageant l’exploitation du charbon polonais et en s’opposant aux programmes européens de réduction des émissions de CO2. Sa cible : la jeunesse, entrepreneuriale et rurale, qu’elle estime malmenée. « L’entrepreneuriat en Pologne est aujourd’hui déconsidéré. Il est soumis à un matraquage fiscal, alors que c’est grâce aux petites et moyennes entreprises que la croissance polonaise est l’une des plus fortes en Europe », confirme depuis Paris Krzysztof Soloch, professeur à l’université Panthéon-Sorbonne, spécialiste de l’Europe centrale.

Un risque de scission ?

Signe de son rajeunissement, c’est sur TikTok et Instagram que Confédération fait passer ses messages. Slawomir Mentzen totalise plus de 1,1 million d’abonnés sur ses comptes qu’il gave quotidiennement de vidéos tournées face caméra, dans lesquelles il critique d’un ton amusé la politique gouvernementale, les partis traditionnels ou le traitement médiatique dont sa formation fait l’objet. « Ça n’arrange pas nos concurrents qui ne maîtrisent pas les codes de ces réseaux sociaux, se moque Marek Szewczyk. Ils pratiquent un humour à côté de la plaque. »

En tête des intentions de vote mais talonné par la coalition d’opposition de Donald Tusk, le parti Droit et justice (PiS) au pouvoir a tenté ces dernières semaines de reprendre à son compte le discours farouchement anti-ukrainien de Confédération. Au soir des résultats, c’est vers elle qu’il pourrait se tourner pour former un gouvernement. Hormis les sujets économiques – le PiS est très attaché aux dépenses sociales –, presque tout les rassemble. Nombre d’observateurs considèrent d’ailleurs que les députés d’extrême droite auront du mal à ne pas se laisser tenter par des fonctions ministérielles. « Si le 16 au matin, le PiS parvient à avoir la majorité avec Confédération, il y aura aussitôt des transferts, prédit Krzysztof Soloch. Le PiS a depuis 2015 l’habitude d’acheter des députés en leur offrant des postes, à eux et à leurs proches. Le parti est très généreux avec ceux qui acceptent de le rejoindre. »

La formation ultranationaliste rejette formellement cette éventualité. Elle espère ainsi voir se former un gouvernement minoritaire qui lui permettrait de peser lors de l’examen des lois, et à terme des élections anticipées où elle se présenterait en position de force. Dans tous les cas, elle ne se dit pas pressée. « On est une formation jeune, conclut Marek Szewczyk. On a le temps. »

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