«Media Freedom Act»: les eurodéputés posent la première brique d’une loi sur la liberté de la presse
Le Parlement européen a voté mardi pour renforcer la transparence et l’indépendance des médias européens le Media Freedom Act (Loi sur la liberté des médias). Il s’agit d’une première étape pour réussir à obliger les États membres à garantir le pluralisme des médias et à protéger leur indépendance vis-à-vis des ingérences gouvernementales, politiques, économiques ou privées, et in fine, à garantir le secret des sources.
Avec notre correspondant à Strasbourg, Jean-Jacques Héry RFI
À la base de cette loi, votée à une large majorité de 448 voix, il y a d’abord un constat que dresse la députée Sabine Verheyen, présidente de la commission Culture, députée du Parti populaire européen (PPE), et rapporteur du texte : « On a beaucoup de pays où les médias sont menacés. On pense à la Hongrie, à la Pologne ou à l’espionnage de journalistes en Grèce ».
Et l’actualité en France est venue souligner l’urgence de défendre les médias, a précisé à la tribune le député vert David Cormand : « Une journaliste arrêtée, son domicile perquisitionné. Un hebdomadaire national racheté par un milliardaire d’extrême droite. Des rédactions vidées de leurs journalistes. Toutes ces situations ont aussi cours dans mon pays : la France ».
Premier volet du texte de l’European Media Freedom Act : l’obligation pour les médias de dire clairement à qui ils appartiennent, une transparence qui se veut garantie d’indépendance. Et puis il met aussi en place des garde-fous : interdiction de la détention de journalistes et des perquisitions pour protéger le secret des sources. Les logiciels espions, du type Pegasus, qui avaient défrayé la chronique il y a deux ans, ne pourront être utilisés qu’exceptionnellement et uniquement si une décision judiciaire le permet, dans des affaires de terrorisme par exemple.
La France veut des dérogations au secret des sources
Les discussions vont maintenant s’engager avec les États membres pour parvenir à un accord définitif. Elles s’annoncent difficiles car au sein du Conseil, et à l’initiative de la France, on voudrait voir beaucoup plus de dérogations au secret des sources, au nom de « la sécurité nationale » notamment.
Pour Agustín Yanel, dirigeant de la Fédération des syndicats des journalistes espagnols, c’est une avancée importante « parce qu’elle inclut une série de mesures que nous avons toujours réclamées. Par exemple, une transparence maximale pour connaître la propriété des médias, une distribution équitable de la publicité institutionnelle, le rejet de l’ingérence politique dans les médias, etc. Mais, répondant aux questions de Carlos Herranz, il regrette qu’elle soit entachée par l’amendement introduit par la France. « Bien qu’une série d’articles positifs aient été introduits, le plus inquiétant c’est l’amendement introduit par la France, auquel certains pays se sont opposés, mais qui a ensuite été approuvé par tous. Il permet d’utiliser l’espionnage contre des journalistes lorsqu’il s’agit de garantir la sécurité nationale. C’est un concept très ambigu qui peut conduire les gouvernements à en faire n’importe quel usage, comme dans l’affaire Pegasus, par exemple. C’est pourquoi nous demandons qu’il soit supprimé. »
L’accord interinstitutionnel final est espéré pour le mois de février 2024.