Baisse des frais de scolarité: Une bouffée d’oxygène à encadrer, selon les parents d’élèves

La baisse des frais de scolarité dans le secteur de l’enseignement public et privé est un énorme ouf de soulagement pour les parents d’élèves, surtout dans ce contexte de conjoncture économique. Dans la banlieue dakaroise, les parents d’élèves rencontrés plaident pour le suivi et l’encadrement de cet arrêté interministériel. 

Par Mariama DIEME LESOLEIL

Les pères et mères sont, comme l’a écrit Plaute, l’un des grands représentants du théâtre antique, les «architectes de l’éducation ». «Ils en jettent les fondements, la continuent, l’affermissent de leur mieux, n’épargnent ni soins ni dépenses pour que leurs enfants soient utiles à la patrie, et fixent les regards du peuple », soutient l’auteur latin de comédies.

Aujourd’hui, face à la cherté de la vie, liée à la conjoncture économique au Sénégal, il est difficile, pour la plupart des parents, d’être « ces architectes de l’éducation ». En plus, dans le système éducatif, il est noté, de plus en plus, une hausse des frais de scolarité. Ce qui alourdit le fardeau des ménages et cela l’est plus pour les retraités. C’est le cas du vieil Amar Dieng. Tenant un journal à la main, il discute tranquillement avec son ami, devant la porte de sa maison, sise à Tivaouane Diacksao, dans la banlieue dakaroise. Il accueille, avec joie, le fait que l’État ait décidé de fixer les frais d’inscription dans les établissements d’enseignement public et privé, du préscolaire au secondaire général en passant par l’élémentaire et le cycle moyen. Même le secteur de la formation professionnelle et technique n’a pas été en reste. Dans les établissements de l’enseignement public et préscolaire, les frais de scolarité sont désormais gratuits. Ils passeront de 3000 FCfa dans le moyen-secondaire général public et peuvent être portés jusqu’à 5000 FCfa sur décision du Conseil de gestion de l’établissement. Dans les lycées publics d’enseignement technique et les centres de formation professionnelle, les frais seront de 15 000 (Cap), 20 000 (Bep), 25 000 (Bt) et 35 000 FCfa (Bts).

Cette nouvelle mesure constitue  un énorme soulagement pour beaucoup de parents qui s’en réjouissent : « C’est une bonne chose et cela va nous arranger et nous aider à épargner un peu pour régler d’autres besoins, parce que les temps sont durs. J’ai deux enfants qui sont dans le privé. Je paie pour l’un 15.000 FCfa et l’autre 20.000 FCfa la mensualité, sans compter les frais d’inscription et le transport. C’est vraiment cher », a dit M. Dieng.

Ce retraité n’est pas le seul à se plaindre de la cherté des frais de scolarité. Même les pères de famille en activité comme Cheikh Ngom, au quartier «Tableau Tivaouane », vivent le même calvaire. « Les inscriptions coûtent vraiment cher. Actuellement, à moins de 2 mois de l’ouverture des classes, je ne pense qu’à cela. Je me demande comment je vais faire pour subvenir aux besoins de mes enfants en cette période de conjoncture. Je dois payer les inscriptions, acheter les fournitures, etc. », confie M. Ngom. Selon lui, tout ce que les parents parviennent à économiser pendant cette période, sera dépensé pour les besoins scolaires. « En plus de cela, il faut aussi acheter de nouveaux habits, des chaussures pour les enfants », a-t-il soutenu. Ouvrier de son état, M. Ngom, la cinquantaine révolue, a cinq enfants qui sont dans le privé. Malgré ses maigres moyens, affirme-t-il, il prend aussi en charge la moitié des frais de scolarité de ses neveux et nièces. « Je suis le plus aisé de la famille. Je ne peux donc pas payer la scolarité de mes enfants et ignorer les autres, sachant que nous sommes tous dans la même concession. C’est ça le problème. Si l’État décide de faire baisser les frais d’inscription dans les écoles, c’est un ouf de soulagement pour nous les parents », se réjouit-il. Assis à côté de lui, à l’ombre d’un arbre, Oustaz Abdoulaye Ndao, se joint à la discussion.

L’attitude des écoles privées indexée

Contrairement à Cheikh Ngom, Oustaz Ndao a une seule fille en charge pour la rentrée. « C’est seulement ma fille cadette qui est dans une école privée et j’ai payé 28.000 FCfa l’année dernière pour son inscription en classe de 6au collège. Heureusement pour moi, tous mes enfants ont fait l’école coranique. Mais, ce n’est pas facile », rapporte-t-il, le regard lointain tout en tapotant son pied droit posé sur le banc en bois qui lui sert de siège. Maître coranique, dans son quartier, Oustaz Ndao renseigne avoir, dans son « daara », des enfants qui restent 3 mois sans payer un seul centime et pourtant il ne les renvoie pas. Il déplore le fait que les écoles privées ne peuvent même pas tolérer un jour de décalage concernant le paiement des frais de scolarité. « C’est vraiment difficile. Les responsables des écoles doivent nous aider. J’ai de la peine pour les parents qui ont 5 élèves ou plus dans les écoles privées », lance-t-il d’un ton sec. À l’image d’Oustaz Ndao, Cheikh Ahmed Tidiane Niang, président de l’écurie Lansar et de l’association des responsables d’écuries et écoles de lutte du Sénégal (Areels) dénonce également le comportement de certains propriétaires d’écoles privées.

Plaidoyer pour plus de contrôle

Cet acteur de la lutte traditionnelle sénégalaise, trouvé dans son quartier, reconnait que l’éducation est à la base d’un bon fonctionnement d’une société. Mais, cela nécessite, à son avis, un accompagnement. « Nous ne pouvons que nous réjouir de la mesure prise par l’État. Nous plaidons pour que les choses soient faites comme le veut l’État et pour cela, il faut nécessairement un suivi, un contrôle sévère afin que les parents puissent en bénéficier », prône-t-il. Parmi les « abus » qui sont notés dans les écoles privées, M. Niang liste, entre autres, « le non-respect » de leur cahier de charge, les « rétentions de notes pour défaut de paiement mensuel ». D’après lui, l’État, à travers les Ministères de tutelle, doit veiller en faisant régulièrement des contrôles.

Malgré le renchérissement des frais de scolarité au fil des années, Cheikh Ahmed Tidiane Niang a tous ses enfants dans le privé, depuis l’élémentaire. Concernant les frais d’inscription, les moins chers qu’il paie, c’est 60.000 FCfa. « Cette année, j’avais trois élèves qui faisaient la Terminale et j’ai payé plus 90.000 FCfa de frais d’inscription pour chacun, sans compter les fournitures, le transport, etc. C’est compliqué si l’on n’a pas assez de moyens. Le problème ici, c’est qu’il n’y a pas beaucoup d’écoles publiques. Vraiment, au Sénégal, l’éducation souffre de beaucoup de maux. Même si l’État fait d’énormes efforts. Le seul hic, c’est le suivi des décisions prises », souligne le président de l’écurie Lansar.

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