Samuel Sarr : «Comme le PS en 2000 et le PDS en 2012, Benno file tout droit vers l’opposition en 2024 »

Si c’était un film, on l’aurait appelé « Chronique d’une défaite annoncée !» , semble dire l’ancien Ministre d’Etat Samuel Sarr, président du parti Libéralisme Social Sénégal, allié de Benno Bokk Yakaar. Fidèle partenaire politique du Président Macky Sall, celui qui se définit comme un « Wadiste fidèle et un Mackyste éclairé », lance un appel à l’égard de l’ensemble de la coalition présidentielle. Samuel Sarr semble ne pas être en phase avec son frère Macky Sall, dans la démarche pour le choix du candidat de Benno Bokk Yakaar. Il n’a pas caché ses préoccupations et ses inquiétudes.

Nul ne peut douter de l’intelligence politique de ce libéral qui a été l’un des plus proches collaborateurs du Pape du Sopi, Me Abdoulaye Wade. Samuel Sarr, dès sa prime jeunesse, a côtoyé l’un des plus célèbres opposants d’Afrique, qui avait tenu tête au système socialiste depuis plusieurs décennies. Cette figure de la politique sénégalaise donne son avis sur la présidentielle de 2024 et le choix retardé du candidat de la coalition Benno.

Le 3 Juillet 2023, après la déclaration du président de la République annonçant son retrait de la course, Samuel Sarr et son parti avaient publié un communiqué, pour saluer cette décision historique du président Macky Sall qui, selon eux, a marqué l’histoire politique sénégalaise et africaine. L’ancien Ministre d’Etat était revenu largement sur les réalisations du Président Sall et l’importance de sa décision malgré le droit légal qu’il avait de briguer un second mandat de 5 ans.

Ce renoncement du Président Sall a imposé à la coalition, un nouveau candidat. Samuel Sarr faisait partie des premiers leaders à prendre l’engagement de soutenir toute personne qui sera choisie par le président de l’Apr, Macky Sall. Mais plusieurs semaines après, le retard dans le choix du candidat consensuel de Benno, est en train d’avoir des conséquences néfastes sur la cohésion et la dynamique d’unité. Car, plus de 11 personnes, sans carrure, ont déclaré leur candidature. Un comportement qui sape les fondamentaux de la coalition.

Benno Bokk Yakaar file tout droit vers une scission politique, qui va le précipiter dans l’opposition en 2024. Cette remarque est confirmée par Samuel Sarr, qui dit : « avec cette division, Benno va perdre le pouvoir au profit de quelqu’un qui va le ramasser au 2e tour. Il sera peut-être Karim Wade, Khalifa Sall ou un 3e inconnu pour le moment ».

L’ancien Ministre d’Etat semble très outré par les agissements de certains responsables, qui posent des actes qui vont affaiblir la coalition. Une situation pareille s’était produite en 1999, lorsque les socialistes avaient refusé de s’unir derrière un candidat unique. Moustapha Niasse, Djibo Kâ, avaient quitté le navire socialiste, laissant Ousmane Tanor Dieng seul à bord. Pour des raisons politiques, le leader de l’Afp, l’ancien patron de l’URD et Abdou Diouf, n’ont pas pu se retrouver pour faire face à Me Abdoulaye Wade, candidat de l’opposition d’alors. La division était très profonde entre ces différents responsables socialistes. La suite est connue. Abdou Diouf sera battu au second tour, malgré le retour de Djibo Kâ. Moustapha Niasse emporté par la crise au sein du Ps, apportera son soutien à Me Abdoulaye Wade. Depuis 2000, la famille socialiste ne s’est pas retrouvée. La division avait provoqué la perte du pouvoir et la dislocation de la famille PS.

Préoccupé par la division au sein de l’Apr, Samuel Sarr semble avoir la même remarque, lorsqu’il dit : « Il risque d’avoir un remake de 1999, avec Abdou Diouf qui avait perdu le pouvoir à cause des divisions internes au Parti socialiste, avec les départs de Moustapha Niasse et Djibo Kâ ».

La coalition Benno Bokk Yakaar ne s’éloigne pas de la crise politique qui avait fait perdre le pouvoir au Pds en 2012. Cette défaite de Me Abdoulaye Wade s’était déclenché depuis l’emprisonnement d’Idrissa Seck en 2005. Alors, Premier Ministre, Idrissa SECK quittera le Pds avec 12 députés en poche. Il engage un bras de fer contre le Pds jusqu’en 2012, année à laquelle, il s’était opposé à un 3e mandat de Me Abdoulaye Wade. S’ensuivra la démission de Macky Sall du Pds. Lui, également, partira avec un contingent de responsables politiques, avec lesquels il créera l’Apr. Ainsi entre 2000 et 2012, des flancs du PDS naîtront deux grandes formations politiques : l’APR et Rewmi. D’autres hauts responsables libéraux notamment : Mme Aminata Tall, Lamine Bâ, etc… quitteront le PDS. Malgré les grandes réalisations de Me Abdoulaye Wade et son bilan jugé positif, il sera battu au second tour par son ancien Premier Ministre, Macky Sall.

La division au sein du Pds et de la coalition Sopi en général, ont fortement compromis les chances du Pape du Sopi. Au-delà des départs de Macky Sall, d’Idrissa Seck, de Me Aminata Tall et des autres, Me Abdoulaye Wade avait perdu des alliés de taille, notamment Abdoulaye Bathily, Amath Dansokho, Landing Savan, entre autres. Samuel Sarr qui s’est rappelé de cette époque, nous a confié : « Cette situation rappelle celle de Me Abdoulaye Wade en 2011, qui avait perdu le pouvoir à cause des divisions internes dans sa coalition. Amath Dansokho et d’autres hauts responsables avaient quitté, et à ces départs, on pouvait y greffer ceux d’Idrissa Seck, de Macky Sall et autres du PDS ».

Jusqu’au 3 Juillet 2023, la coalition était bien tenue par le Président Macky Sall. Mais la division est constatée suite au retard constaté dans le choix du futur candidat de Benno. L’attente est longue et la conséquence, c’est le risque d’éclatement de la coalition. En plus, il faut constater ce manque de discipline des responsables de l’Apr, qui semblent oublier que ce parti n’est pas l’unique formation de Benno. La coalition est composée de plusieurs dizaines de formations politiques. Alors, l’on ne comprend pas ces agissements des Ministres de l’Apr, qui croient que le successeur de Macky Sall doit sortir forcément des rangs de l’Apr. C’est quand même irrespectueux à l’égard des alliés. Mais également, c’est sous-estimer les autres leaders qui ont les compétences et l’expérience pour être candidats en 2024, même s’ils ont préféré laisser le Président Macky Sall choisir.

«Il est navrant de constater avec regret, la durée d’attente très longue, pour le choix d’un candidat du pouvoir » a déclaré Samuel Sarr. Pour lui, «la méthode choisie par Macky Sall n’était peut-être pas la bonne. Son choix aurait dû être basé sur son propre choix, avec les standards de la République et la capacité de poursuivre le PSE et le Programme financier avec le FMI, et pas d’autres considérations qui découleront de l’émotion », poursuit-il.

Le leader du Parti Libéralisme Social Sénégal (LSS) semble remarquer avec amertume, que Benno n’a toujours pas de candidat, alors qu’on est à quelques semaines du démarrage de la campagne. Il y a tout un travail à faire pour asseoir un leadership politique au sein de la mouvance.

« Par ailleurs, le candidat qui sera choisi par le Président Macky Sall, part avec un lourd handicap, né de cette division notoire au sein de Benno et plus grave, au sein de l’Apr », fait remarquer Samuel Sarr.

Il a rappelé que « l’absence de consensus autour du candidat de Benno, risque de profiter à Karim Wade ou à Khalifa Sall, qui pourraient gagner au 2e tour ». De l’avis de Samuel Sarr, « Benno file tout droit vers l’opposition en 2024 ».

Modou Fall/ DAKARTIMES

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