Comment l’Open Source Intelligence a aidé à mettre au jour les activités de Wagner en Centrafrique

Les journalistes se sont interrogés sur l’avenir de leur métier lors du forum « Mieux informer demain » organisé par CFI, filiale du groupe France Médias Monde. Certains prônent l’usage de l’Open Source intelligence (Osint), consistant à trouver des informations en accès libre en ligne. Une méthode qui a porté ses fruits pour épingler les activités du groupe Wagner en Afrique.

Le principe de l’Osint (Open Source Intelligence, renseignement en sources ouvertes, en français) est de rechercher et de fouiller dans toutes les sources d’information disponibles en ligne et en accès libre, que ce soit « sur les réseaux sociaux, sur Internet ou aussi dans des archives de journaux en ligne, explique Dimitri Zufferey, journaliste à la Radio Télévision Suisse (RTS) et l’un des membres du collectif All Eyes on Wagner. Ces informations peuvent être trouvées par n’importe quel citoyen ou citoyenne, puisqu’il suffit de quelques connaissances de base pour bien chercher sur Internet. » Après cette première partie du travail, il faut ensuite analyser, vérifier. « On peut essayer de faire de la géolocalisation. On va vérifier, contrebalancer toutes les informations. »

Un tweet et un article pour enquêter

Avec un simple tweet et un article dans la presse russe, All Eyes on Wagner a pu révéler les liens qu’entretenait l’entreprise centrafricaine Bois Rouge avec le groupe Wagner. « Chaque fois qu’il a été fait mention d’une société impliquant des Russes et des Centrafricains, on a commencé à creuser et à recouper toutes les informations en ligne pour essayer de savoir quels étaient les liens entre cette société et la milice privée Wagner », précise Dimitri Zufferey, interrogé par Christina Okello, du service Afrique.

Grâce à ses enquêtes, le collectif a pu montrer l’exploitation intensive menée par la société centrafricaine Bois rouge en collectant des données accessibles en ligne, tels que des contrats ou des documents officiels. « Sans l’Osint, on n’aurait pas pu géolocaliser des photos, trouver des témoignages de soldats, par exemple des forces armées centrafricaines qui ont publié des informations sur les réseaux sociaux, raconte Dimitri Zufferey. Et grâce à ça, on a pu documenter la présence de Wagner dans les régions exploités au moment où la société Bois Rouge démarrait ses activités. On a pu montrer aussi que Wagner s’enrichissait en vendant des diamants et du bois précieux. Donc, sans l’Osint, nos enquêtes n’auraient pas été possibles, mais elles ont été complétées par du renseignement, par des contacts et des gens sur place. »

Un outil d’avenir

C’est aussi un outil d’avenir pour les journalistes africains. Il y a un intérêt grandissant sur le continent concernant ces nouvelles méthodes d’enquête. « Il y a de plus en plus de groupes et d’organisations qui forment des journalistes africains à cette technique », affirme le membre du collectif All Eyes on Wagner.

Pour Cheikh Fall, président du réseau d’activistes numériques Africtivistes, l’Osint présente certes des opportunités, mais aussi des risques. « L’Osint, il faut le dire, est une réponse par rapport à la crise informationnelle que nous vivons. Mais les mêmes outils qui servent aujourd’hui à vérifier les informations, servent aussi à certains pour manipuler les informations. Alors c’est le combat de David contre Goliath, par contre, il faudra bien entendu faire en sorte que notre voix soit beaucoup plus audible que ceux qui font le contraire. »

Le président d’Africtivistes préconise un usage responsable de l’Open Source Intelligence en misant notamment sur la formation des journalistes.

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