Situation de la démocratie et des droits humains : la Raddho charge l’Etat

A la suite d’Afrika Jom Center, la Rencontre africaine des droits de l’homme (Raddho), a présenté un rapport sur les droits humains au Sénégal. Le constat est identique. Le Sénégal a connu un recul démocratique, selon l’organisation. La publication du rapport entre dans l’exigence faite au Sénégal de faire la situation périodique des droits humains à la Commission africaine des droits de l’homme et des peuples basée à Banjul, en Gambie. La Raddho a pris ainsi le contre-pied de l’Etat qui, au même moment, faisait son rapport par visioconférence hier, jeudi 11 mai 2023.

Au moment où le Sénégal présentait son rapport par visioconférence, la Rencontre africaine pour la défense des droits de l’homme (Raddho), était à Banjul en Gambie pour présenter son document alternatif sur la situation des droits humains.  Dans ce rapport transmis à la presse, l’organisation de défense des droits de l’homme juge que « la situation des droits humains au Sénégal est marquée depuis quelques années par une restriction des droits civils et politiques notamment les droits électoraux et les droits à la liberté d’opinion et d’expression. Les droits des enfants, notamment ceux des enfants des écoles coraniques sont négligés ». ¨Pis, elle constate aussi que «  l’impunité relative aux violations des droits de l’homme commises par les membres des forces de défense et de sécurité qui s’est installée reste une préoccupation majeure des organisations des droits humains ».  Selon toujours la Raddho, « le Sénégal traverse une situation difficile et même inquiétante. A titre d’exemples, des libertés garanties par la Constitution et consacrées depuis de nombreuses années sont régulièrement entravées et sont réellement remises en cause ». Parlant de la situation des droits humains, l’organisation trouve aussi que, « les libertés d’expressions sont menacées au Sénégal car les journalistes, les activistes, les participants à des manifestations et les opposants au régime sont poursuivis, persécutés, convoqués à la police et souvent emprisonnés ».   Dans ses observations, la Raddho trouve également que «  la question de l’indépendance de la justice reste entière car le statut des magistrats contient des dispositions discriminatoires avec des dates de départ à la retraite différentes qui ne dépendent que du poste occupé par le magistrat. Il s’y ajoute les consultations à domicile qui ne sont rien d’autres qu’un moyen de contourner le passage prévu légalement au niveau du Conseil supérieur de la Magistrature ».  Cependant poursuit-elle, « malgré les nombreuses critiques émanant des justiciables et des acteurs de la Justice, le Sénégal ne semble pas être disposé à rendre le Parquet indépendant de la Chancellerie. Les statistiques relatives à la Magistrature sont extrêmement rares car frappées du sceau de la confidentialité ». Parlant toujours des tares du Sénégal, la Raddho estime que «  la situation du milieu carcéral au Sénégal est aussi préoccupante avec des prisons qui datent de l’époque coloniale, non conformes aux standards définis pour un respect des droits de l’homme et surpeuplées ».    Certes, les dispositions légales et réglementaires relatives à la présence de l’avocat dès l’interpellation sont prises mais en pratique, malheureusement, constate la Raddho, « on note des défis relatifs à l’impact de la mesure dans la défense des droits des citoyens du fait du faible nombre d’avocats ».

La troisième candidature supposée du président Macky Sall envenime le climat politique

L’incertitude autour de la troisième candidature du président Macky Sall pose également problème, selon la Raddho. « Il est important de souligner que depuis plusieurs mois, des partisans du Président sortant dont le régime se termine en 2024 (lui-même l’a dit, répété plusieurs fois et écrit dans son ouvrage) le poussent à renier sa parole. Certes, il n’a rien dit mais son attitude révèle que tout se fait sous sa bénédiction et le mandat de trop ne peut être que source de troubles graves contre la paix et la stabilité du Sénégal », lit-on dans le rapport.  Dans ses constats, la Raddho trouve que le parrainage a été source de problème. « Le caractère non consensuel des règles du processus électoral, la loi 2018-22 du 04 juillet 2018 introduisant le parrainage citoyen, est à l’origine d’une rupture d’égalité qui n’a fait qu’augmenter la discorde entre acteurs ».  La politique est aussi gangrénée par des dispositions du Code électoral selon la Raddho. « L’article 11 al 7 du Code électoral n’autorise la transmission du fichier sur support électronique et papier de la liste des inscrits aux candidats et listes de candidats ainsi qu’à la CENA que 15 jours au moins avant la date du scrutin. Alors qu’à priori pour l’opposition, la règle ne lie pas le candidat du pouvoir en place. Le retard dans la transmission du fichier électoral à l’opposition est à la base d’une rupture de confiance entre le pouvoir et ses opposants dans la mesure où ces derniers n’avaient pas la possibilité de vérifier les informations relatives aux parrains. Cette disposition a largement contribué à desservir l’opposition dans la mesure où l’article L 57 dispose qu’un électeur ne peut parrainer qu’un seul candidat ou une seule liste de candidats ».  La Raddho est également préoccupée par le sort de Khalifa Sall et de Karim Wade. « Au plan carcéral, le droit de vote des personnes privées de libertés, prévenues comme condamnés, n’a jamais été respecté par le Sénégal. En matière politique, les anciens ministres et maire de Dakar, en l’occurrence Karim Wade et Khalifa Sall ont été privés de vote à la présidentielle de Février 2019, aux législatives de 2022 et risquent de l’être à la présidentielle de 2024. Leurs candidatures à ces élections ont été rejetées sur la base de l’article L 31 du Code électoral », constate le document.

FATOU NDIAYE

SUDQUOTIDIEN

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