Israël utilise «largement la reconnaissance faciale dans des zones clés des Territoires palestiniens»

Amnesty International, l’organisation de défense des droits de l’homme, publie ce mardi 2 mai un nouveau rapport dénonçant l’utilisation de technologies de reconnaissance faciale par Israël pour renforcer son contrôle sur les Palestiniens. Amnesty révèle notamment que ces technologies sont utilisées à Jérusalem-Est et Hébron, où des colons israéliens vivent au milieu de la population palestinienne. Entretien avec Katia Roux, chargée de plaidoyer à Amnesty International France.

RFI : Dans ce rapport, Amnesty dénonce l’apparition d’un système nommé « Red Wolf », utilisé désormais aux postes de contrôle par lesquels les Palestiniens doivent passer dans la vieille ville d’Hébron. Quelle est la fonction de ce nouveau système ?

Katia Roux : « Red Wolf » scanne le visage des Palestiniens et Palestiniennes qui arrivent aux points de contrôle militaire. Ce système est relié à une autre base de données plus importante, qui contient des informations personnelles et des données biométriques concernant les Palestiniens, exclusivement. C’est une base de données uniquement pour les Palestiniens. Elle contient des informations comme leur photographie, mais aussi leur identité, l’identité de membres de leur famille, leur lieu de résidence… Ou encore s’ils sont recherchés pour être interrogés, par exemple. Ces données sont croisées avec la photo. Le système va ensuite décider si la personne peut passer ou non le point de contrôle. Si elle n’est pas connue ou qu’elle n’est pas dans la base de données, sa photographie va être ajoutée. En fonction des informations remontées, il sera décidé si elle est autorisée à franchir le poste de contrôle.

Avec « Red Wolf » la surveillance des Palestiniens est devenue un jeu, écrit Amnesty dans ce rapport. Pourquoi parlez-vous de « jeu » ? 

Elle est en réalité devenue un jeu aux dires des témoignages d’anciens soldats de l’armée israélienne. Ces derniers ont confié qu’ils étaient encouragés à prendre davantage de photos, à scanner le plus possible le visage des Palestiniens et Palestiniennes dans le but d’alimenter cette base de données. « Red Wolf » est très vraisemblablement connectée à d’autres systèmes comme « Blue Wolf ». Il s’agit d’une application installée sur les téléphones portables et les tablettes des membres de l’armée israélienne et qui leur permet de scanner les visages, et ce, pas uniquement aux postes de contrôles pour le coup, mais aussi, par exemple, dans les habitations des Palestiniens et Palestiniennes. Ce faisant, ils alimentent une autre base de données, encore plus grande : « Wolf Pack », qui rassemble toutes ces données biométriques et personnelles. C’est devenu un jeu parce qu’en réalité, il y a un classement et des récompenses pour les unités qui alimentent le plus ces bases de données et qui fournissent le plus de photos de Palestiniens et Palestiniennes. 

Ce rapport est intitulé « Automated Apartheid », c’est-à-dire « Apartheid automatisé ». Il reprend le terme d’apartheid qu’Amnesty a utilisé l’an dernier dans un autre rapport pour dénoncer la politique d’Israël à l’égard des Palestiniens. Cette surveillance renforce-t-elle à vos yeux ce que vous dénonciez l’an dernier comme une ségrégation ?

Absolument. C’est d’ailleurs une des conclusions les plus importantes de ce rapport. Il montre que les autorités israéliennes utilisent largement la technologie de reconnaissance faciale dans des zones clés des Territoires palestiniens occupés afin de précisément renforcer leur domination sur les Palestiniens, et, de maintenir le système d’apartheid en place. Il faut bien comprendre que cette surveillance se fait dans un contexte de restriction très forte de la liberté de mouvement. Et ce dans le cadre d’une volonté délibérée des autorités israéliennes de créer un environnement hostile aux Palestiniens. Il s’agit donc de renforcer la domination, de renforcer le contrôle, de renforcer la ségrégation. Et, in fine, le système d’apartheid aujourd’hui en place. 

C’est une violation de notre vie privée. Personne n’aimerait être surveillé constamment. Nous avons besoin d’une sorte de liberté.

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