Pas du tout emballés par le projet du ministre Aliou Sow : Les acteurs du cinéma déballent…
En lieu et place des Rencontres cinématographiques de Dakar (Recidak) dont la dernière édition remonte à 2018 et qu’il avait promis de ressusciter cette année, lors d’une concertation avec les associations professionnelles du cinéma en octobre dernier, le ministre de la Culture et du Patrimoine historique, Aliou Sow, a sorti de son brillant esprit, un autre festival pour juillet 2023. Une idée qui est loin de faire l’unanimité au sein des cinéastes nationaux, dont certains regrettent l’absence de concertation avec les acteurs du cinéma sur ce projet. Ils soutiennent n’être pas informés et assurent que ce festival sera organisé sans les vrais cinéastes qui devraient être au cœur de l’événement. Extraits du quotidien « Le Témoin ».
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Rédigé par leral.net le Vendredi 17 Mars 2023 à 10:31 | | 0 commentaire(s)|
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Les réalisateurs Ousmane William Mbaye et Moussa Touré, président de l’Association des cinéastes sénégalais associés(Cineseas), livrent ci-dessous leurs réflexions sur le cinéma sénégalais et le projet de festival du ministre Aliou Sow.
Si Ousmane William Mbaye se félicite de l’idée d’un festival à Dakar, il se désole d’une reproduction d’un Fespaco bis. « Je suis désolé, c’est trop petit. Ce n’est pas le but. Il faudrait aujourd’hui qu’on pense à un festival mondial du cinéma à Dakar pour faire la différence. L’Occident a eu à dire ce qu’il a à dire, l’Asie y est depuis plusieurs décennies. Alors que les Africains restent les nouveaux venus. Nos tournages, nos histoires vont de plus en plus intéresser le monde. L’Afrique a beaucoup de choses à proposer. Mais il me semble qu’il est important d’y penser avant que les autres ne le fassent à notre place », indique Ousmane William Mbaye.
Qui précise que l’activité cinématographique de Dakar est vieille de plusieurs décennies. Le cinéma était au Sénégal au début, en même temps que le cinéma en Europe.
« J’allais au cinéma au début des années 50. Mais ce cinéma était géré parles Européens. Il y avait la SECMA et la COMACICO, deux entités qui géraient le cinéma en Afrique. Elles proposaient des films dans des lieux de visionnage appelés salles de cinéma. Mais toutes les recettes de ces activités cinématographiques allaient en France, qui nous louait des films », se rappelle l’auteur de « Pa Bi », un documentaire sur Mamadou Dia, le premier président du Conseil de gouvernement du Sénégal.
Selon lui, il faut vraiment un cinéma qui nous rapporte. Le cinéma, précise-t-il, est une industrie avant d’être autre chose. Et une industrie veut dire une série qui vise le plus grand nombre.
«Un film peut rapporter entre dix millions et 100 millions de dollars. On peut prendre l’exemple du « Titanic ». Je ne peux pas comprendre pourquoi on ne peut pas faire fleurir cette industrie au Sénégal. C’est peut être la première manière d’asseoir les Sénégalais vers un bien commun qu’on se partage tous. Si je mets 1000 FCfa/ jour pour aller voir un film, ces 1000 FCfa vont revenir à nos fils qui sont cameramen, cadreurs, preneurs de son ou exercent un des mille métiers du cinéma. Il faudrait que le cinéma puisse mettre à l’affiche des films du Sénégal et d’Afrique. Car charité bien ordonnée, commence par soi-même », instruit-il.
Quant à Moussa Touré, actuel président de l’Association des cinéastes sénégalais associés (Cineseas), il se désole de la démarche « unilatérale » du ministre de la Culture. Il rappelle que M. Aliou Sow leur avait demandé de préparer un festival du Cinéma pour le Sénégal. Mais, à leur grande surprise, selon lui, il a fait cette annonce sans aucune concertation avec les acteurs du cinéma.
Frustrés, ces derniers disent déplorer une démarche solitaire du ministre qui, après leur avoir demandé des propositions de faisabilité de cet évènement, a fait dans la précipitation. C’est pourquoi, M. Toure pense que même si ce Ficase devait se faire, il se ferait sans eux.
«Nous ne savons pas avec qui il l’organise. Mais ce n’est pas avec nous les cinéastes. La dernière fois qu’on en a parlé, le ministre nous avait demandé de luifaire une proposition pour un festival. On lui a écrit. Mais son projet de festival, on l’a su de la même manière que tout le monde. Nous, Association des cinéastes sénégalais associés, on n’a pas été informés », regrette Moussa Touré.
Le président des Cineseas est d’avis que le problème du cinéma sénégalais, c’est qu’il n’est pas fait avec les cinéastes, mais avec le Bureau du cinéma logé au ministère de la Culture, le Fonds de Promotion de l’Industrie Cinématographique et Audiovisuelle (FOPICA) et le ministère. « C’est eux qui décident de quel film doit passer, quel scénario est bon. A Ouagadougou, c’était un échec. On est revenu bredouille. Tous les pays s’en sont sortis avec des médailles, sauf nous. Le choix n’est pas fait par des cinéastes. Le cinéma commence par une lecture de scénarii. Depuis 2017, personne ne lit les scénarios. L’argent est donné au gré. C’est eux qui prennent ton scénario et te disent qu’on te donne de l’argent », déplore-t-il.
Moussa Touré révèle que le maximum que le FOPICA donne pour les films sénégalais, varie entre 70 millions et 150 millions FCfa, alors qu’il a donné au cinéaste français Oumar Sy, 150 millions FCfa sur l’argent du cinéma sénégalais.
« Moussa Sène Absa a reçu 70 millions, le réalisateur du « Le mouton de Sada » n’a rien reçu. Le réalisateur a évoqué le sujet à Ouaga », indique Moussa Touré, se faisant le porte-voix des acteurs sénégalais du 7e art. Il déplore que le cinéma soit géré par des politiciens, des diplomates, dont le directeur de la Cinématographie qui ne connaît rien du cinéma.
« Ils vont te dire que j’ai été là pour regarder. Depuis 2017, il n’y a jamais eu de réunion pour voir si un scénario est bon ou non. Ce sont eux qui décident. On était 84 personnes pour 12 films au Fespaco. Si on calcule, il n’y avait pas 20 cinéastes. Tous les autres sont dans le Bureau du cinéma, au ministère. Presque tous en dehors du cinéma. Ce ne sont pas des acteurs du cinéma. Le problème est là », éructe le cinéaste Moussa Touré.
Concernant le projet d’un festival, il estime que faire la même chose que le Fespaco, ne serait pas une meilleure entreprise. Mais, parfois, estime-t-il, avec des brebis galeuses motivées par leurs intérêts, tout est possible.
Le réalisateur promet une conférence de presse dans un avenir proche et réclame un audit de l’argent du cinéma géré par la Direction de la Cinématographie, tout en se désolant de la composition de la délégation sénégalaise au Fespaco. Prenant l’exemple de sa prise en charge hôtelière, estimée 589 000 FCfa, il demande de faire le calcul pour une délégation des 84 personnes. Autant dire que c’était la bamboula à Ouagadougou. Une habitude bien sénégalaise.
Le Témoin