Lutte contre le Sida : Le dépistage revient dans la stratégie
A cause d’un passé peu glorieux pour les patients, le Sida fait toujours face à certaines réticences. Sans oublier la stigmatisation que subissent certaines personnes vivant avec le Vih. Le dépistage suivi d’un traitement constitue pourtant un remède miracle.
Par Alpha SYLLA – Dépister tout le monde et traiter les personnes atteintes, tout en assurant le suivi immuno-virologique bien que coûteux. C’est le pari des responsables de la riposte contre le Sida au Sénégal. Et cela passe par la gratuité de toutes les démarches. «C’est le gouvernement sénégalais qui prend tout en charge», affirme Dr Karim Diop, Secrétaire général du Centre régional de recherche et de formation de Fann. Les populations sont juste invitées à venir se faire dépister. Car, estime ce responsable de la riposte contre le Sida, le dépistage, quel que soit le résultat, reste utile. Il permet, en effet, à la personne testée négative de conserver son statut de négatif au Vih/Sida tout en évitant les comportements à risques. Et aux positifs de connaître leur statut, bénéficier d’un traitement à travers les Antirétroviraux (Arv) et d’un suivi. « Depuis 2000, on est en train de multiplier l’accès aux Arv… Les traitements sont révolutionnaires dans le sens où lorsqu’une personne atteinte du Vih/Sida prend ces Arv, elle arrive à réduire drastiquement la force du virus dans l’organisme. Elle arrive aussi à retrouver son immunité et à vivre sa vie normalement. Il existe des gens qui prennent le traitement depuis vingt ans et qui vivent normalement comme tout le monde», renseigne Dr Karim.
«Vivre avec le Vih/Sida, c’est bien possible !»
Le Sénégal a toujours eu une position avant-gardiste dans la lutte contre le Vih/Sida. Les années s’égrènent, les efforts se multiplient et se diversifient dans ce combat contre cette maladie. En 2023, la lutte contre le Sida reste assez encourageante, avec un taux de prévalence nationale qui tourne autour de 0,3%. Une prévalence jugée basse et stable malgré quelques disparités humaines (les femmes étant les plus touchées que les hommes) et géographiques.
Aujourd’hui, nombreux sont ceux qui vivent une vie normale en famille, au travail, tout en vivant avec le Vih. Autrement, «on a dépassé cette époque» où les gens mouraient à cause du Vih/Sida, faute de thérapie. «Nous avons eu deux phases dans la lutte contre le Sida. La première est caractéristique de mortalité élevée. Durant cette période, les gens étaient donc contaminés et mouraient au bout de quelques années. Il n’y avait pas de thérapie», dit le médecin. Ce défaut de thérapie, qui condamnait les patients à la mort, a suscité chez eux un sentiment d’inquiétude et les a exposés à la stigmatisation. Dr Karim Diop enchaîne : «La société a peur du Vih comme du Covid-19. Mais il faut reconnaître qu’il y a eu des avancées quand même. Vers les années 2005, les gens avaient peur de voir la personne vivant avec le Sida s’amaigrir pour finir par mourir. Mais aujourd’hui, si vous avez le Vih, rien ne montre que vous êtes sous traitement. Les personnes vivant avec le Sida ont intérêt à venir se dépister pour bénéficier des Arv. Les personnes sous traitement se doivent également de protéger la population en général et leurs proches en particulier.» «Les gens ont souvent une vision négative du Vih/Sida», confie Astou, Point focal Gipa (Participation accrue des personnes vivant avec le Vih) au Conseil national de lutte contre le Sida. La Gipa est un principe directeur qui réclame la participation active et significative des personnes vivant avec le Vih dans la création, le développement, la mise en œuvre et le suivi-évaluation des politiques et programmes dans la lutte contre le Sida. Pour la présidente de l’Association des personnes vivant avec le Vih/Sida, il est fondamental de réussir le pari de la sensibilisation pour vaincre la maladie, en ciblant les zones les plus touchées où le taux de prévalence dépasse la moyenne nationale. «Il y a beaucoup d’avancées notées, notamment une implication des élus locaux dans la lutte contre le Vih et des activités de conscientisation des jeunes à la maladie grâce aux activités de sensibilisation et le plaidoyer que nous faisons. Nous continuons de le faire en restant focus sur les zones où la prévalence est élevée.» Ces zones concernent le Sud en particulier qui se trouve être l’épicentre de la maladie. «Malheureusement, dans des zones du Sud comme Ziguinchor, Kolda, Sédhiou et Kédougou, les prévalences restent plus élevées que la moyenne nationale. Cela peut se comprendre également parce que ce sont des régions transfrontalières avec des programmes qui ne sont pas aussi efficaces en Gambie ou en Guinée-Bissau. Et on sait que, malheureusement, lorsque quelqu’un tombe malade dans ces pays et traverse la frontière pour venir à Ziguinchor ou à Kédougou pour se dépister, cela influe sur les chiffres attribués à la région», se désole Dr Karim Diop.
Mais, il ne faut pas dormir sur nos lauriers, avertit Dr Karim Diop. Pour arriver à l’objectif d’éradiquer le Sida au Sénégal d’ici 2030, le médecin pense qu’il est impératif, pour les populations, de renforcer la communication entre les acteurs et les jeunes adultes particulièrement touchés par le Vih/Sida aux fins de se faire dépister. Ce qui permettra d’éviter certains comportements à risques comme la transmission sanguine (objets tranchants par exemple), la transmission verticale (de mère en fils), mais aussi surtout la transmission par voie sexuelle qui reste le principal et plus répandu mode de circulation du virus.
Stagiaire – LEQUOTIDIEN