Relance des comptes de la santé au Sénégal : le département ministériel se met à niveau
En mars 2025, le Sénégal devrait faire une présentation à la conférence de l’ Association africaine de l’économie et de la politique de la santé à Kigali, où il partagera ses efforts pour réduire l’arriéré de données, utiliser les données pour la prise de décisions stratégiques et établir des procédures de routine pour la collecte future de données. Et c’est dans ce cadre que trois notes de politique ont été élaborées par le personnel de la Cellule de l’économie de la santé du ministère de la Santé et de l’action sociale (Msas), à sa tête Adja Thiané Guéye Diaw, avec le soutien d’Open Development, pour répondre à ces conclusions.
En 2018, le Sénégal disposait, comme à la fin de chaque exercice de production des comptes de la santé, toutes les données relatives aux dépenses de santé, mais sans les ressources de les analyser et de les utiliser, laissant les décideurs sans visibilité sur les sources de financement du secteur de la santé, sur l’utilisation des fonds, et sans le soutien à la prise de décision que ces données auraient dû offrir. Cette remarque est faite par Open development qui renseignent que ces données étaient essentielles pour comprendre si les fonds alloués à la santé étaient alignés sur les priorités du pays en matière de santé. Aujourd’hui, cette pratique semble être bannie du ministère de la Santé puisque trois notes de politique ont été élaborées par la cellule de l’économie de la santé. A sa tête Adja Thiané Guéye Diaw qui a su en un temps record produire une feuille de route en relançant les comptes de la santé au Sénégal. Rappelons que cette exigence de disposer de données sur le financement de la santé est une recommandation de l’Organisation mondiale de la santé (Oms). Selon la publication de Open development, les données et l’analyse sont indispensables à l’élaboration des plans financiers nationaux pour la santé, mais le processus de collecte de l’information est coûteux et exige beaucoup de ressources, s’il n’est pas pensé, organisé et rationalisé.
Thiané Guèye révolutionne le département
Infirmière de formation, Thiané est titulaire d’un diplôme en comptabilité et méthodes statistiques et d’un MBA en économie de la santé. Selon le Msas, en l’espace de 3 mois, elle avait clôturé les comptes de 2013 et, en 11 mois, les comptes de 2014, 2015 et 2016 également. Promue à la tête de la Cellule de l’économie de la santé du MSAS en 2019, elle a réussi à produire trois notes dont les travaux de la Cellule de l’Economie de la Santé sur les comptes de santé ont été supervisés par deux comités à savoir celui de pilotage, présidé par le Secrétaire Général du Msas, et le Comité technique, présidé par le Directeur de la planification, de la recherche et de la statistique. « Les trois notes de politique que le personnel de Thiané a élaborées, avec le soutien d’Open Development, ont permis d’améliorer la compréhension et la mobilisation des ressources nationales non seulement au sein du MSAS, mais aussi avec le Ministère des Finances et du Budget (MFB) et même avec le grand public à travers l’exploitation qu’en ont faite des acteurs de la société civile » relève-t-on dans cette publication. Pour Dr Serigne Mamadou Loum, Chef de la Division des Soins de Santé Primaires (Ssp), spécialiste de la santé publique et chargé de coordonner les besoins en SSP des communautés au niveau national, la note de politique de Thiané a montré que près de 90 % des services de santé essentiels requis dans le cadre de l’ensemble de la couverture sanitaire universelle sont fournis par le biais des soins de santé primaires dans les communautés. Elle a également montré que 55,9 % des coûts des soins de santé primaires étaient supportés par les ménages. Selon Dr Loum, la note de politique a aidé sa division à comprendre que, pour rendre les soins de santé universels plus équitables et plus accessibles, le pays devait augmenter considérablement le financement national alloué aux soins de santé primaires au niveau communautaire. Dr Loum utilise également les résultats pour éclairer la cartographie des ressources de santé communautaire, ce qui soutiendra l’élaboration d’un plan complet de financement et de mobilisation des ressources, et plaidera pour l’inclusion d’une ligne budgétaire pour la santé communautaire dans le budget de l’État. Dr Malick Hann, Chef de la Division des Maladies Non Transmissibles (Mtn), a également utilisé les notes de politiques en question selon la source sur les MNT. Selon lui, les données des comptes nationaux de la santé (Cns) ont montré qu’en moyenne, 233 milliards de francs CFA (372 334 000 dollars) par an étaient dépensés pour la prise en charge des MNT et que moins de 1 % de cette somme était consacrée à la prévention. Les données ont également montré qu’une grande partie du financement des MNT provenait des familles sous forme de dépenses directes. Avec un engagement public en faveur de la couverture sanitaire universelle, cette réalité était alarmante. Il attribue au mandat de Thiané le mérite d’avoir déclenché le déblocage rapide de fonds pour une enquête nationale sur les MNT qui a confirmé que 37 % du coût du traitement des Mnt provenait des dépenses des ménages. Dr Hann a également utilisé la note de politique pour plaider auprès du gouvernement en faveur d’une augmentation des taxes sur des produits comme le tabac, l’alcool et les aliments malsains qui ont un impact négatif sur les Mnt.
La troisième note de politique fait un appel direct au ministère des Finances et du Budget pour qu’il augmente le budget global du secteur de la santé. Il donne un aperçu complet des écarts entre les engagements financiers prévus et réels du gouvernement et des collectivités locales à l’égard du MSAS et de l’impact des déficits dans la réalisation des objectifs nationaux stratégiques. Elle va également plus loin en présentant des arguments fondés par des données, démontrant comment les dépenses de santé préviennent l’appauvrissement, augmentent l’espérance de vie et contribuent à la santé globale de l’économie nationale.
Denise ZAROUR MEDANG
SUDQUOTIDIEN