Gestion pétrole et gaz: l’échec n’est pas une option (Par Elhadji Ibrahima THIAM)
Les torchères se sont enfin allumées. Elles éclairent désormais les allées bordées de haies faites de pétrole, d’une part, et de gaz d’autre part qui ont mené le Sénégal dans le cénacle des pays producteurs. Une ère d’opportunités s’ouvre donc.
Toutefois, ces opportunités ne se transformeront en succès que si et seulement si les défis auxquels ils sont adossés sont pris par le bon bout. Et, il faut le dire, ces défis sont grands mais pas au point d’être une montagne infranchissable. Cela étant, la gestion de la rente pétro-gazière semble être l’aspect le plus critique dans la gouvernance des ressources naturelles. D’ailleurs, ce n’est pas pour rien qu’elle intéresse et préoccupe aussi bien les pouvoirs publics, les organisations de la société civile que les populations. À juste raison, car l’histoire a montré que tous les pays producteurs de pétrole et de gaz n’en profitent pas toujours autant qu’ils le croyaient aux premiers jours de l’annonce des découvertes.
C’est encore plus vrai en Afrique où la gestion des recettes générées par les richesses naturelles n’est pas des meilleures. La plupart du temps, l’euphorie s’estompe très vite à cause d’une gouvernance calamiteuse. Et souvent, quand la bénédiction annoncée ne se transforme pas en malédiction (guerres civiles par exemple), c’est le « syndrome hollandais » qui anéantit les espoirs de tout un peuple. Mais comme l’a souligné le Pr Paul Collier, professeur d’Économie et de Politique publique à l’Université d’Oxford, lors d’une conférence à Dakar, « les ressources naturelles ne déterminent pas l’avenir d’un pays, mais bien les choix politiques». Il avait ajouté que deux pays pouvaient renfermer dans leur sous-sol les mêmes ressources naturelles et les exploiter en même temps et connaître pourtant des sorts différents. Pour étayer ses propos, le Professeur Collier avait donné le cas du Botswana et de la Sierra Léone, deux pays riches en diamant.
Quand le premier, enclavé, truste les premières places mondiales en termes de croissance économique et d’indice de développement humain, le second, pays côtier, sombre dans les bas-fonds de ces mêmes classements. « Les choix que votre gouvernement fait vont déterminer votre réussite comme le Botswana ou votre échec comme la Sierra Léone. Il n’existe pas d’autres domaines d’opportunités économiques et de politiques économiques qui soient si sensibles au choix politique que la gestion des ressources naturelles », avait-il conclu. Cet exemple dans le domaine du diamant est applicable à toutes les ressources minérales.
En la matière, des modèles de réussite existent et le sujet très bien documenté. La Norvège est citée en exemple. Il ne s’agira pas de copier à la lettre ce que ce pays scandinave a fait, mais de s’inspirer des bonnes pratiques susceptibles d’éviter au Sénégal de se louper dans la gestion de cette manne. Quand des éléments de comparaison sont sur la table, l’échec n’est pas une option. Il suffit de respecter le triptyque – des règles claires, des institutions solides et des citoyens informés – dont on dit qu’il est le fondement d’une politique gouvernementale en matière de gouvernance des ressources pétro-gazières, pour échapper au piège de la malédiction du pétrole.
Le Sénégal a déjà posé des actes qui peuvent, cependant, inciter à l’optimisme (Code pétrolier, Code gazier, loi sur le Contenu local, loi sur la répartition des recettes, Cos-Pétrogaz, Secrétariat permanent pour le suivi du contenu local, Institut national du pétrole et du gaz, Réseau gazier, Stratégie Gas to power…) le défi est d’arriver à faire en sorte que ces trois éléments soient présents, dans la durée, dans la chaîne de décision. Alors, on pourra espérer voir la flamme de la torchère continuer d’illuminer la marche du Sénégal vers l’émergence.