Une évolution “préoccupante”: les erreurs dans les dépenses de l’UE continuent d’augmenter

Les erreurs dans les dépenses financées par le budget de l’UE ont fortement augmenté en 2022, constate jeudi la Cour des comptes européenne dans son rapport annuel. Une évolution “préoccupante”, selon la membre belge de la Cour Annemie Turtelboom.

Les dépenses de l’Union européenne s’élèvent à 196 milliards d’euros en 2022, soit 1,3% du revenu national brut des Etats membres. “C’est une somme relativement modeste, mais qui se chiffre en milliards, qu’il se doit donc de bien dépenser”, a commenté Annemie Turtelboom mercredi lors d’un point avec la presse.

Dans son rapport annuel, la Cour rend un avis favorable sur la fiabilité des comptes globaux de l’Union européenne. En revanche, son opinion est défavorable en ce qui concerne les dépenses, car celles-ci comportent trop d’erreurs. Ainsi, les dépenses européennes comportaient un taux d’erreur de 4,2% l’an dernier, soit une augmentation importante par rapport à l’année précédente, lorsque ce taux s’élevait à 3%.

Si le taux d’erreur est en augmentation depuis plusieurs années, il s’agit du taux le plus élevé depuis 2014, a noté Mme Turtelbom. La majeure partie du budget était affecté par des écarts et la Cour n’a pas constaté de concentration des erreurs dans certains pays plutôt que d’autres, a-t-elle souligné.

“À haut risque”

Deux tiers des dépenses contrôlées sont considérées comme “à haut risque” par les auditeurs, parce que ces domaines comportaient déjà de nombreuses fautes les années précédentes. Et c’est dans ces dépenses à haut risque que le taux d’erreur était le plus élevé l’an dernier.

La rubrique “Cohésion, résilience et valeurs” par exemple, est particulièrement visée, alors qu’elle représente 40% des dépenses de l’UE. La politique de cohésion a pour but le développement économique et social des régions européennes ainsi que la réduction des inégalités entre ces régions. Dans ce domaine, le niveau d’erreur grimpe à 6,4%, alors qu’il ne dépassait pas les 3,6% en 2021.

La Facilité pour la reprise et la résilience, principale composante de l’instrument NextGenerationEU doté d’une enveloppe de 800 milliards d’euros, vise à atténuer les répercussions économiques de la pandémie. En 2022, deuxième année de sa mise en œuvre, les auditeurs ont constaté que 11 des 13 subventions accordées présentaient des problèmes de régularité.

Contradiction

La Cour des comptes a également relevé des erreurs dans les paiements effectués par le Parlement européen en faveur de groupes ou de fondations politiques. Elle note que les règles internes du Parlement entrent en contradiction avec le règlement financier, car elles limitent la concurrence dans le cadre des marchés publics.

Les groupes politiques n’ont en outre pas pleinement appliqué les règles, dans la mesure où ils n’ont pas cherché à obtenir suffisamment d’offres. La Cour a donc recommandé au Parlement de renforcer son encadrement de l’utilisation des crédits budgétaires par les groupes politiques, notamment.

Mise en garde

Enfin, les auditeurs mettent en garde contre plusieurs risques et difficultés: les forte hausse des coûts de financement de la dette de l’UE par l’emprunt; la guerre en Ukraine, qui augmente les risques financiers; l’inflation élevée, qui mine aussi le pouvoir d’achat du budget européen; et les risques de voir des Etats membres passer à côté de financements. Ce dernier point concerne particulièrement la Belgique, qui doit encore “absorber” près d’un quart de son budget provenant du Fonds structurels et d’investissement européens d’ici fin 2023, soit 723 millions d’euros.

La Cour rappelle que le niveau d’erreur estimatif n’est pas une mesure de la fraude, de l’inefficacité ou du gaspillage de l’argent public, mais bien une estimation du montant qui n’a pas été utilisé conformément aux règles en vigueur. Lorsqu’une fraude est détectée, la Cour les signale à l’Office européen de lutte antifraude (14 cas l’an dernier) ou au parquet européen (six dossiers).

“L’UE a prouvé qu’elle était capable de réagir rapidement à une série de crises sans précédent en prenant des mesures inédites. Mais les fonds mis à disposition dans un tel contexte étant plus importants, le risque pour le budget européen est lui aussi plus élevé”, a déclaré Tony Murphy, président de la Cour des comptes européenne, qui appelle à une meilleure gestion du risque pour éviter les anomalies.

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