Surendettement public du Sénégal : le risque d’enlisement
L’Etat du Sénégal est très optimiste quant à ses retombées pétrolières et gazières au point même de solliciter davantage les marchés financiers ou alors de répondre favorablement à tous les prêts ouverts. Une gestion potentiellement peu prudente de la dette publique qui dépasse actuellement les 75% quand bien même les institutions de Bretton Woods l’a considère modérée.
Ces dix dernières années, l’Etat du Sénégal est assez assidu sur les marchés financiers nationaux et internationaux pour couvrir ses besoins de financement en infrastructures. Mais, ces marchés financiers vivent une forte tension liée à la montée des taux d’intérêt dans les grandes économies ; à la baisse de l’aide publique au développement venant des pays de l’Ouest et aussi à la baisse des prêts venant de Chine. Ce qui ne milite pas tout en faveur des économies émergentes comme cele du Sénégal. Face à ce fort besoin d’investissements, l’Etat du Sénégal, outre ces bailleurs traditionnels bilatéraux et multilatéraux, s’est ouvert à de nouveaux créanciers régionaux et sous-régionaux ou encore au secteur financier privé. La conséquence de cette montée en puissance de la dette, c’est sans doute la modification de la structure de sa dette publique avec plusieurs partenaires, à des échelles, des échéances différentes et taux différents. Aujourd’hui, les institutions de Bretton Woods, à savoir la Banque mondiale et le Fonds monétaire international, ne cessent d’accorder des financements conséquents à l’Etat du Sénégal alors que dans un passé récent, ces mêmes institutions ont révélé que la soutenabilité de la dette devenait préoccupante quand bien même le risque de surendettement est modéré (externe et global), avec toutefois une marge de manœuvre très limitée pour absorber les chocs à court terme. Rien que pour 2023, la Banque mondiale a accordé au moins trois financements conséquents à l’Etat du Sénégal. Il s’agit d’un financement de 91 milliards FCFA (150 millions $) destiné à la mise en œuvre du Projet d’accélération de l’économie numérique (PAEN) ; d’un appui financier sous la forme d’un crédit de 300 millions de dollars pour soutenir les réformes de politiques publiques ; et de celui d’un montant de 550 millions de dollars pour le renforcement du Port autonome de Dakar et le futur Port de Ndayane. A tous ces prêts, s’ajoutent les prêts communautaires dont le Sénégal est membre. Tout comme la dette du privé qui ne cesse de grimper.
Dette publique estimée à 75,0% en mars 2023
En mars dernier, au terme d’une mission du Fonds monétaire international (Fmi), Edward Gemayel, chef de l’équipe révélait que la dette publique du Sénégal était estimée à 75,0 % de son Produit intérieur brut (Pib), dont 67,5 % du Pib pour le gouvernement central. Il en ressortait également que le déficit des comptes courants s’est considérablement creusé en raison principalement de l’augmentation des factures d’importations.
Forts de ce constat, les premiers signes d’un resserrement des conditions de financement sur le marché régional des titres publics appellent à la « vigilance et à l’élaboration d’un plan de contingence », avait alerté le Fmi. Dans ce contexte, conseillait le Fmi « l’amélioration de la mobilisation des recettes fiscales et la rationalisation des dépenses publiques non prioritaires contribueront à atténuer les pressions financières, tout en préservant la viabilité de la dette ».
L’Etat s’enfonce dans les prêts
En mai dernier, le Fmi annonçait être parvenu à un accord avec le gouvernement sénégalais sur un programme d’aide de plus de 1,8 milliard de dollars pour soutenir les réformes destinées à renforcer la résilience économique du pays. Ce programme d’aide, d’une durée de 36 mois s’inscrit dans le cadre du mécanisme élargi de crédit (Medc) et de la facilité élargie de crédit (Fec), avec un accès à 1,526 milliard de dollars. Cet appui budgétaire est également combiné à un financement supplémentaire de 327,1 millions de dollars au titre de la Facilité pour la résilience et la durabilité, un mécanisme de prêt lancé par le Fonds monétaire international en 2022 pour aider les pays à revenu faible ou intermédiaire confrontés à des risques macroéconomiques tels que le changement climatique et les pandémies.
A fin juin dernier, autrement dit peu avant la fête de la Tabaski, l’Etat du Sénégal a reçu du Fmi un appui financier aux politiques économiques, un financement conjoint de 1115 milliards de FCFA pour permettre à Dakar d’exécuter pendant trois ans de nouveaux programmes de développement. A ce montant viennent s’ajouter les importants financements bilatéraux octroyés par l’Union européenne (Ue) et ses Etats membres pour cette année et la suivante, dont 150 millions d’euros de prêts concessionnels par la France, 70 millions d’euros de dons par l’UE ou 68 millions d’euros de dons par l’Allemagne.
JEAN PIERRE MALOU
SUDQUOTIDIEN