Trois questions sur les dessous du départ du président Macky Sall

Le président sénégalais Macky Sall, élu en 2012 puis réélu en 2019, a surpris lundi soir en annonçant sa décision de ne pas se représenter à l’élection présidentielle de 2024. Quels en sont les ressorts et quelles perspectives ouvre-t-elle pour sa succession ?
Pourquoi Macky Sall a-t-il créé la surprise ?

Malgré sa promesse en 2019 qu’il effectuait son deuxième et dernier mandat, le président Sall entretenait le mutisme sur sa candidature depuis des mois, sur fond d’appels pressants de ses partisans à se présenter.

Des actes qu’il posait – en sanctionnant notamment des responsables de son parti contestant son éventuelle candidature – ont été lus comme des signes d’une volonté de rester au pouvoir.

En outre, même si la Constitution impose au président de ne pas faire plus de deux mandats consécutifs, il avait affirmé qu’il avait juridiquement la possibilité de se représenter, une révision de la loi fondamentale ayant remis, selon lui, le compteur à zéro à partir de 2019.

Malgré un climat politique très tendu et les troubles les plus graves de ces dernières années au Sénégal, liés à la condamnation d’un de ses principaux opposants, M. Sall a donc attendu lundi soir pour exposer ses intentions. « Je n’ai jamais voulu être l’otage de cette injonction permanente à parler avant l’heure », a-t-il dit dans son adresse à la nation.

Il avait reçu samedi – sans livrer son secret – des élus locaux qui lui ont instamment demandé de se présenter. Sa décision de ne pas se présenter, il l’a cachée jusqu’au dernier moment, y compris à certains proches collaborateurs.

« J’ai un code d’honneur et un sens de la responsabilité historique qui me commandent de préserver ma dignité et ma parole », a-t-il expliqué pour justifier son choix.

M. Sall a vu sa base électorale s’éroder après les législatives de juillet 2022, marquées pour la première fois par la perte au Parlement de la majorité absolue par le camp présidentiel.

Des observateurs et des opposants estiment que la pression de la rue a pesé dans sa décision, ainsi que la défaite électorale en 2012 de l’ex-président Abdoulaye Wade, qui avait forcé pour un troisième mandat.
Qui pourrait être le prochain président ?

La non-candidature de Macky Sall ouvre comme jamais le jeu politique. Nul dans son parti n’a dévoilé ses ambitions et il n’a adoubé aucun dauphin.

La coalition présidentielle, unie derrière lui, doit se réunir prochainement pour choisir un candidat qui aura le soutien de Macky Sall. Des divisions sont possibles et pourraient l’affaiblir, selon un membre de la majorité.

Dans ce camp, un trio se dégage, formé de l’actuel Premier ministre Amadou Bâ, du président du Conseil économique, social et environnemental (Cese) Abdoulaye Diallo Diallo, et du ministre de l’Agriculture Aly Ngouille Ndiaye.

Les deux premiers étaient inspecteurs des impôts avant leur carrière politique, le troisième est diplômé en génie civil et en finance. Ils sont réputés disposer d’un large réseau de partisans et d’influents chefs religieux musulmans.

Un autre inspecteur des impôts est dans la galaxie des potentiels successeurs: le plus farouche opposant de Macky Sall, Ousmane Sonko, très populaire auprès des jeunes mais dont la candidature est en suspens, en raison d’une condamnation à deux ans de prison dans une affaire de moeurs et d’une autre pour diffamation d’un ministre.

Trois autres candidats sont en vue pour l’élection, l’ancien Premier ministre Idrissa Seck, deuxième de la présidentielle de 2019, ainsi que l’ancien ministre Karim Wade et l’ancien maire de Dakar Khalifa Sall, issus de l’opposition.
Quelles sont les prochaines étapes avant la présidentielle ?

Le président Sall a annoncé lundi la saisie cette semaine de l’Assemblée nationale pour des réformes électorales devant permettre à Karim Wade et Khalifa Sall, empêchés de se présenter en 2019 par des condamnations judiciaires antérieures, d’être candidats en 2024.

Ces réformes sont issues d’une récente concertation nationale, à laquelle M. Sonko n’a pas participé et qui n’a pas abordé son cas.

Ousmane Sonko est en l’état inéligible. Il a appelé ses partisans à la mobilisation pour « un combat définitif », mais il est bloqué par les forces de sécurité chez lui à Dakar – « séquestré » selon lui – depuis le 28 mai.

Une vingtaine de candidats se sont déclarés pour la présidentielle du 25 février 2024.

La collecte des parrainages est ouverte à partir d’août, ce qui devrait pousser les candidats à se dévoiler dans les deux mois. Le dépôt des candidatures est prévu du 11 au 26 décembre.

Source – seneweb

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