Des ambiguïtés de l’ambassadeur de France en Guinée Conakry

Le 5 Septembre 2021, Ma­madi Doumbouya, un Caporal légionnaire franco-Gguinéen, destitue Alpha Condé, devenu un autocrate despotique. Il s’autoproclame aussitôt «président» de la République. Dans son sillage, les habitants de Conakry, alors ébahis, observent, médusés, un journaliste de «Hadafo-Es­pace», Moussa Moïse, en train de guider des mercenaires blancs surarmés dans certains quartiers de la ville. Pendant l’opération, Monsieur Mamadi Doumbouya se serait caché à l’ambassade de France, en attendant la fin positive, pour lui, de ce qu’il appelle une «opération».

Depuis, la junte de Conakry et son Cnrd dont la majorité des membres sont encore cachés aux Guinéens qu’ils sont pourtant supposés «gouverner», semblent s’instituer en adversaire déterminé de la Cedeao. Les notabilités du gouvernement des putschistes ne sont pas avares de termes méprisants, en tout cas discourtois, lorsqu’elles parlent de la Cedeao et de ses dirigeants. Ici, on les accuse de faire de la «jérémiade» pour avoir exigé un vrai dialogue avec les partis politiques représentatifs. Là, c’est le ministre des Affaires étrangères de la junte qui répond que les putschistes n’ont pas acheté la «Tran­sition». Ainsi, on est de plus en plus hautain et arrogant avec les grands responsables africains de la Cedeao, et de plus en plus obséquieux avec certains ambassadeurs occidentaux, notamment celui de la France. Le rabaissement et la déconsidération de la seule organisation sous-régionale sont désormais la garantie pour la junte, de se maintenir au pouvoir autant qu’elle le veut.

Mais ici, faisons un constat de faits : de tous les ambassadeurs occidentaux accrédités auprès de l’Etat guinéen, seul l’actuel ambassadeur de France à Conakry a immédiatement et publiquement exprimé une incontestable bienveillance pour les putschistes, notamment pour leur chef, l’ancien Caporal de la Légion étrangère française, devenu «Colonel» Mamadi Doum­bouya. Pourtant, ils savaient tous déjà que les mercenaires, probables compagnons du chef putschiste, du temps de ses services à la Légion étrangère française, avaient commis un véritable carnage au Palais Sékhoutouréya. Plus de 130 jeunes Guinéens abattus comme des gibiers et jetés dans des fosses communes aux environs de Conakry.

Il faut tout de suite préciser que ni l’ambassade de France ni le pouvoir officiel français de Paris n’ont donné ni de près ni de loin un quelconque ordre de tuer des Guinéens. Il est même probable que l’Elysée et le Quai d’Orsay n’aient été informés que bien après. Cependant, l’enthousiasme de l’ambassadeur de France actuel à Conakry après le putsch sanglant, sa bienveillance particulière pour le «Colonel» putschiste Doumbouya, peuvent intriguer. Et les Guinéens le sont. Toutefois, on peut dans une certaine limite comprendre qu’il exprime son enthousiasme devant le fait que son concitoyen franco-guinéen, Mamadi Doumbouya, de surcroît époux d’une gendarme française authentique, détienne désormais tous les pouvoirs en Guinée et sur tous les Guinéennes et Guinéens. Mais je suis moi-même franco-guinéen, époux d’une authentique «Gauloise» du Dauphiné. Je ne suis pas convaincu que je bénéficierais du même enthousiasme auprès de Monsieur l’ambassadeur, si je me présentais à ses bureaux. Je voudrais me tromper, mais je n’y crois guère.

Le refuge du chef des putschistes à l’ambassade de France, pendant l’action meurtrière des mercenaires blancs, appelle de ma part quelques questions argumentées que voici :
1°. On comprendrait difficilement que l’ancien Caporal franco-guinéen, devenu «Colonel» Mamadi Doumbouya, s’est réfugié par pur hasard à l’ambassade de France durant tout le temps du déroulement des opérations meurtrières menées par les mercenaires, amis du chef du Cnrd. Le hasard existe. Dans ce cas précis, la concordance est trop parfaite pour être comprise comme un hasard. J’invite mes compatriotes guinéens à ne pas confondre cet ambassadeur de France avec la France que je prétends connaître un petit peu. La France n’est pas corrompue. Pour son ambassadeur actuel à Conakry, je ne sais pas.

2°. La présence quasi systématique de l’actuel ambassadeur de France à toutes les rencontres, entre le Cnrd et quelques groupes guinéens non représentatifs, pourrait être éventuellement interprétée comme signe d’une «attention» particulière pour les Guinéens. Possible, mais peu probable. Car si on porte la moindre vraie attention aux Guinéens et au problème guinéen, comme d’autres ambassadeurs occidentaux à Conakry le font, on exige que la junte et son Cnrd discutent sur un pied d’égalité avec les partis politiques représentatifs, et dans un pays africain.

L’actuel ambassadeur de France à Conakry le fait-il ? Pas du tout. Sa présence aux rencontres est plutôt un soutien militant ostensible à l’ex-Caporal légionnaire français, Mamadi Doumbouya, auto-proclamé «Président». Dans les réunions, il charge les notabilités politiques les plus représentatives (Sidya Touré, Cellou Dalein Diallo, Alpha Condé…) de tous les maux de la terre. Je n’exclus pas l’hypothèse que, concernant la situation de la Guinée, il fait vraisemblablement parvenir à ses supérieurs (Elysée et Quai d’Orsay), des rapports singuliers de type militant dont le contenu est très éloigné de ce qu’est la situation de la junte par rapport au pays. Il ne faut pas en conclure que Monsieur l’ambassadeur est un «colonialiste», un «raciste»… Rien ne serait plus faux et diffamatoire. Il est très loin de l’une ou de l’autre possible accusation.
L’ambassadeur français actuel à Conakry est un homme, peut-être père de famille, en tout cas pas un multimillionnaire. La Guinée dispose d’importantes potentialités (mines, pêche, forestière, agriculture…). Elles sont toutes sous l’emprise totale et absolue de l’ex-Caporal franco-guinéen de la Légion étrangère française et de son Cnrd dont une partie est cachée. Ils sont rejetés, absolument rejetés par l’immense majorité du pays. Monsieur l’ambassadeur actuel de France à Conakry ne peut me démentir sur ce point. S’il le fait, alors l’un d’entre nous ment. C’est impossible que ce soit moi. La nécessité pour la junte de conserver à tout prix un pouvoir illégal et illégitime les pousse à être très «généreux» avec certains ambassadeurs occidentaux. Un, deux, trois… permis d’exploration et d’exploitation minières octroyés peuvent rapporter plusieurs millions de dollars Us ou d’euros. A ce tarif, on trouve facilement des avocats dans le monde diplomatique. Il n’est même pas impossible qu’un ancien ministre du Quai d’Orsay ait d’importants intérêts, de pêche par exemple, en Guinée. Ce ne sont pas les intérêts d’un ancien ministre français qui intriguent, mais la probabilité forte que sa fonction d’alors ait été mobilisée pour accéder à des privilèges refusés aux Guinéens.

Dire ou écrire que si ce n’est pas le chef des putschistes, la Guinée tomberait dans les mains «russes», est un mensonge. Y croire, c’est non seulement rendre possible un ressentiment anti-français, mais c’est aussi mettre durablement en difficulté ce que la France pourrait avoir comme «intérêt». De toute l’Afrique de l’Ouest, la Guinée est la moins perméable à la propagande pro-russe ou pro-Poutine. La Guinée a vécu plus de vingt-cinq ans sous le joug du système russe. Elle est durablement vaccinée contre ce système.

NB : Le Fndc et d’autres mouvements devraient mettre sur pied une pétition nationale demandant le départ de cet ambassadeur de notre pays. Son utilité pour renforcer avec bienveillance la position française en Guinée n’est pas évidente. Il créé plutôt le rejet de la France.


Mamadou Billo SY SAVANÉ

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