Brésil: Lula devra «reconstruire une unité» sur les fronts intérieur et extérieur selon Pascal Drouhaud

Dimanche 1er janvier, le chef historique de la gauche a été proclamé président du Brésil pour la troisième fois. Lula da Silva a prêté serment et immédiatement investi ses ministres pour mettre l’équipe au travail. Car les attentes sont fortes, nous explique Pascal Drouhaud, analyste politique et spécialiste du Brésil.

Parmi ses premières mesures en tant que président dimanche, Lula a investi ses 37 ministres, soit 14 de plus que sous le gouvernement de Jair Bolsonaro, et avec un record de 11 femmes. Et, comme il l’avait promis, le nouveau président a signé plusieurs décrets pour revenir sur les mesures de droite de son prédécesseur qui facilitaient l’accès aux armes, et renforcer les institutions environnementales en Amazonie.

Car les attentes sont fortes, notamment sur les questions sociales, fil rouge de la campagne de Lula da Silva. « Cela sera un fil rouge, étant entendu que la priorité essentielle du nouveau président, c’est de reconstruire une unité du Brésil, nous explique Pascal Drouhaud. Une unité sur le front intérieur : s’attaquer aux inégalités notamment, et essayer de rattraper ce qui a été déconstruit ces quatre dernières années, que ce soit en matière culturelle, de santé, d’environnement. Mais également, sur le front extérieur, c’est-à-dire réinsérer le Brésil, première économie latino-américaine dans le monde. »

Lula revient après avoir déjà dirigé le pays entre 2003 et 2010, mais les temps ont changé et le contexte économique international aussi. 

« Les temps ont évidemment changé. Président pendant deux mandats, durant les années 2003-2010 qui connaissaient une croissance soutenue. Le monde n’était pas celui d’aujourd’hui d’une part. Et il disposait d’alliés et de majorités dont il ne dispose plus. Mais aujourd’hui, Lula est un symbole. C’est une symbolique, c’est une expérience et c’est avant tout ce sur quoi il mise. Il mise sur la force de cette symbolique pour arriver à faire bouger des lignes. Et pour cela, il peut compter sur néanmoins quelques alliés, son vice-président notamment, Geraldo Alckmin, que l’on a beaucoup vu pendant l’investiture. » Geraldo Alckmin, du parti PSDB, caution centriste pour le nouveau président issu du Parti des travailleurs. 

L’ancien président Luiz Inacio Lula da Silva a été élu dimanche 30 octobre, à la tête du Brésil avec 50,90% des voix, selon les résultats définitifs, contre 49,10% pour le chef d’État sortant d’extrême droite, Jair Bolsonaro. Une victoire sur le fil, dans un pays très divisé. Il va donc devoir composer, notamment avec un Congrès et des États majoritairement conservateurs. « Lula va devoir composer », confirme Pascal Drouhaud mais pendant son discours d’investiture, « les charges contre Jair Bolsonaro ont été très fortes. Elles ont été très claires. Il a bien rappelé qu’il avait  » épuisé les ressources de la santé, démantelé l’éducation, la culture  » notamment. Mais… pendant cette période de transition… un amendement du gouvernement a été voté lui donnant les moyens de financer les programmes sociaux pendant au moins un an, plus de 26 milliards d’euros. Il peut, il arrive à manœuvrer, à discuter bien au-delà de son camp. En tout cas, c’est ce à quoi il va s’atteler pendant ces quatre prochaines années. »

Les cérémonies d’investiture se sont déroulées dans le calme, sous haute sécurité, tant la crainte d’incidents provoqués par les partisans ultras de Jair Bolsonaro était grande. Vont-ils baisser les bras ? « Ne sous-estimons pas l’expérience de Lula, son intelligence politique et le sens de la manœuvre, et cette volonté d’en appeler finalement à une fierté nationale pour rétablir le Brésil dans son rang en Amérique latine, dans le monde, et de pouvoir servir par ce mot qu’il a utilisé, de  » modèle « . D’ailleurs, 53 délégations étrangères étaient là, des chefs d’État d’Afrique, mais également d’Amérique latine, le président argentin, le vice-président du Salvador par exemple. »

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