Mali-Burkina-Guinée: la Cédéao se réunit pour juger les avancées des transitions

Les transitions en cours au Mali, au Burkina et en Guinée avancent-elles suffisamment vite vers le retour à l’ordre constitutionnel ? La Guinée-Bissau accueille dimanche 9 juillet un sommet de la Cédéao largement consacré aux trois pays, dont les dirigeants issus de coups d’État militaires ont tous promis d’organiser des élections pour mettre un terme aux régimes de transition. Les chronogrammes ont déjà été fixés par la Cédéao et par les autorités de transition et l’entité devra juger des avancées dans l’organisation.

Le plus gros dossier sur la table des dirigeants de la Cédéao est sans doute celui du Mali. C’est en tout cas celui dont l’actualité est la plus chargée. Les autorités maliennes de transition ont organisé il y a trois semaines, le 18 juin dernier, un référendum constitutionnel, marquant la première échéance électorale convenue avec la Cédéao avec, en ligne de mire, la présidentielle de février 2024.

Mais du retard a déjà été pris : alors que les élections communales étaient prévues le mois dernier, elles n’ont pas eu lieu et aucune nouvelle date n’a été communiquée par Bamako.

Référendum constitutionnel du 18 juin : avancée ou problème ?

Le scrutin référendaire qui vient de se tenir est également entaché de graves accusations de fraude : de nombreux partis d’opposition et de mouvements de la société civile dénoncent des bourrages d’urnes, des votes fictifs ou encore l’utilisation des moyens de l’État par le camp du « oui » pendant la campagne électorale.

Ils déplorent aussi, et avant eux les observateurs électoraux déployés au Mali, que le scrutin n’ait pas pu se tenir sur l’ensemble du territoire. La région de Kidal notamment en a été totalement exclue.

L’Autorité malienne en charge de la gestion des élections (Aige) assure le contraire, mais n’a publié aucun résultat pour la région de Kidal. Elle a en revanche annoncé une large victoire du « oui » au projet de Constitution voulu par les autorités de transition, avec 97% des voix.

Des recours ont été déposés devant la Cour constitutionnelle malienne. Celle-ci doit encore promulguer officiellement les résultats déjà annoncés.

La Cédéao se retrouve donc dans une situation délicate, puisqu’elle devra dire si ce référendum constitue une avancée ou un problème pour le retour à l’ordre constitutionnel.

« Prendre une position ferme en refusant de reconnaître les résultats pourrait constituer un obstacle à la suite de ce long calendrier électoral qui doit mener jusqu’à l’élection présidentielle, explique Ibrahima Poudiougou, enseignant-chercheur en anthropologie dans les universités de Turin et de Leiden et spécialiste de la politique malienne. D’un autre côté, en allant dans le sens des autorités, la Cédéao risquerait de se mettre à dos ceux qui pensent qu’il y a eu des fraudes. Donc c’est une question d’une extrême difficulté pour la Cédéao. »

Pas de précision pour le programme du Burkina

Autre pays dont la situation doit être examinée par les dirigeants ouest-africains : le Burkina Faso. La Cédéao va notamment se pencher sur l’évolution du contexte sécuritaire, qui constitue à la fois la priorité affichée des autorités burkinabè de transition et leur principale difficulté dans la perspective d’organiser des élections.

Les attaques terroristes ont augmenté de façon exponentielle ces derniers mois, avec des bilans effroyables. Des allégations d’exactions sont également portées contre l’armée et ses supplétifs des Volontaires pour la patrie (VDP), recrutés parmi les civils locaux.

L’élection présidentielle qui doit conclure la période de transition est prévue en juillet 2024. La Cédéao avait demandé, l’été dernier déjà, aux autorités de Ouagadougou d’actualiser et de préciser le calendrier électoral. Mais depuis un an, ces précisions n’ont toujours pas été communiquées officiellement.

« Un comité de suivi s’est déjà réuni au niveau technique, explique Issaka Souaré, enseignant-chercheur à l’Université Lansana Conté de Conakry et conseiller au bureau régional de l’Institut d’études de sécurité (ISS) pour l’Afrique de l’Ouest. Mais il était question de se réunir au niveau politique, sous la présidence du médiateur de la Cédéao, l’ancien président nigérien Mahamadou Issoufou. Cette réunion ne s’est pas encore tenue, mais les autorités burkinabè assurent être dans la logique du chronogramme pour honorer les engagements pris avec la Cédéao. »

Léger retard en Guinée

Au menu du sommet de la Cédéao dimanche se trouve également la Guinée, où la période de Transition doit s’achever dans un an et demi, en décembre 2024. C’est l’accord convenu entre Conakry et la Cédéao.

D’ici-là, les autorités guinéennes de transition se sont fixé dix objectifs : l’adoption d’une nouvelle Constitution, la mise en place d’une organisation de gestion des élections, l’élaboration d’un nouveau fichier électoral, entre autres. Le programme est très chargé, mais également coûteux : il est chiffré à près de 6 000 milliards de francs guinéens (soit presque 650 millions d’euros). La Cédéao s’est déjà engagée à aider Conakry à mobiliser les fonds nécessaires. Mais les chefs d’État ouest-africains vont aussi examiner les retards déjà constatés.

« On est un peu en retard en ce qui concerne le projet de nouvelle constitution, poursuit Issaka Souaré, du bureau régional de l’ISS en Afrique de l’ouest. La Guinée avait proposé six mois pour cette action, la Cédéao quatre mois, mais même avec six mois le CNT, qui est le Conseil national de transition, devait avoir adopté l’avant-projet de Constitution au mois de juin. Sauf qu’on peut rattraper ça, tempère aussitôt le chercheur, car lié à cette action est le referendum pour l’adoption de cette Constitution prévu pour décembre. Donc il y a le retard, mais cela peut être rattrapé pour que le referendum puisse se tenir à la date prévue dans le chronogramme. »

La Cédéao pourrait donc rester conciliante avec Conakry. À moins que le statut de simple observateur – et non de membre à part entière – qui lui a été attribué au sein du Comité de suivi et d’évaluation du chronogramme créé par le Président de transition, le colonel Mamady Doumbouya, n’incite les dirigeants ouest-africains à plus de fermeté.

SOURCE RFI

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